Apports du Shiatsu dans l’accompagnement des chevaux en difficulté face aux soins

REMERCIEMENTS

Merci Claire, Solène et Sophie, pour votre bienveillance, la qualité de vos enseignements et l’inspiration que vous avez su m’apporter au quotidien.

Merci Célia, Amélie, Servane, Florence, Anne-Charline, Gaëlle, Jungmi, Blandine, Sara, Natacha, Éloïse, Maëlle et Ninon, pour votre gentillesse et votre bonne humeur ! 

Merci Sarah, Anouk, Chan et Nathalie ainsi que vos chevaux Raïka, Volt, Trobao, Picasso et Apache, pour votre confiance et l’inspiration que vous m’avez apportée. 

Merci à ma famille et à mon conjoint, pour votre amour et votre soutien. 

Merci à Naba, Maïko et Meï, mes petits êtres de lumière ! 

Merci aux Chevaux, pour avoir donné un véritable sens à ma vie.

PRÉAMBULE

J’ai toujours été fascinée par les chevaux.

Enfant, je me souviens des toutes premières balades à poney que j’ai pu faire accompagnée de mes parents. Je me souviens de leur regard, de leur odeur, de leur douceur aussi…

J’ai très vite compris qu’un lien particulier nous unissait et que ma vie croiserait tôt ou tard leur chemin. 

Puis il y a eu l’adolescence. Je me souviens des cours d’équitation que je prenais le weekend dans un petit centre équestre du coin. Un cheval particulier attirait mon attention, et tous les deux, nous avons fait un bout de chemin ensemble. J’appréciais nos longs moments de pansage sous son regard calme rempli d'amour et de bienveillance. Plus tard, j’apprendrai son décès d’une colique foudroyante.

Je pense à lui, parfois, encore aujourd’hui.

Ma vie et l’univers des chevaux ont pris des directions différentes au moment de faire le choix de mon orientation future : je décide de suivre des études de Médecine, et tente à deux reprises le concours de la Première Année Commune aux Études de Santé sans succès. Je me réoriente vers une Faculté de Biologie et obtiens ma Licence en Biologie des Organismes et Évolution. Je rejoins ensuite une École Supérieure du Professorat et de l’Éducation et réussis le concours du Certificat d’Aptitude au Professorat de l’Enseignement du Second Degré. Me voilà, à 24 ans, enseignante de Sciences de la Vie et de la Terre dans les collèges et les lycées. Je suis mutée en tant que remplaçante sur la zone de Digne-les-Bains, autrement dit, je suis amenée à remplacer les enseignants dans les collèges et les lycées du département des Alpes-de-Haute-Provence. Ne recevant aucun appel de la part du Rectorat pour ma première rentrée, je fais face à une sensation que je n’avais pas ressentie depuis longtemps : l’ennui. 

Cette période de vide a fait ressurgir en moi l’amour des chevaux. 

Je trouve un centre équestre à côté de chez moi. Je redécouvre les chevaux sous un autre angle, fondé sur l’observation fine de leur langage, le ressenti de leurs états d’être et le respect de leur individualité. Je me reconnecte à la Terre en participant à la mise en place d’un jardin potager sous les conseils avisés des gérants de ce lieu. Ma conscience s’éveille et je m’ouvre à la vie. 

Puis est arrivé ce cheval. 

Je m’y attache. Je me sens reliée à lui. Nous nous apprivoisons, l’un et l’autre et devenons amis. Il devient mon cheval, je deviens sa gardienne. Un pacte nous unis : veiller l’un sur l’autre. Ma vie bascule, je me transforme à ses côtés.

Je décide de changer de vie.  

Je ressens en moi la volonté de prendre soin, de réparer, d’aider. D’utiliser mes mains. D’être auprès des chevaux. Et de me relier profondément à ces derniers. J’entre quelques mots-clés dans mon moteur de recherche et voit apparaître celui qui va faire basculer ma vie à tout jamais : Shiatsu. Je me renseigne au sujet de cette pratique. Trouve une école qui l’enseigne au service des chevaux. M’y inscris. Suis les trois années de formation et obtiens mon diplôme en janvier 2025. 

Un sentiment d’entiereté m’accompagne depuis ce jour.

INTRODUCTION

Depuis quelques décennies, notre rapport aux animaux, et en particulier aux chevaux, évolue en profondeur. Ce changement reflète une prise de conscience collective autour du bien-être animal, de la souffrance, mais aussi de la capacité des animaux à ressentir, comprendre, coopérer. Dans le monde équestre, cela se traduit par une remise en question de certaines pratiques traditionnelles, longtemps basées sur l’obéissance, la performance et le contrôle. Une autre manière d’être avec le cheval émerge, fondée sur l’écoute, la confiance et la relation. Il ne s’agit plus seulement de faire, mais de faire avec.

Dans cette recherche d’un rapport plus juste, plus harmonieux, d’autres approches ont trouvé leur place aux côtés des pratiques classiques. L’ostéopathie, l’éthologie, la communication animale, mais aussi les soins énergétiques comme le Shiatsu participent d’une même volonté : considérer le cheval dans sa globalité, c’est-à-dire dans son corps, son vécu, son environnement, et sa subjectivité propre. Ces disciplines proposent une posture d’attention, une qualité de présence, une invitation à ralentir pour mieux percevoir.

C’est dans cet élan que s’inscrit le Shiatsu équin. Une pratique manuelle et énergétique, à la fois simple et subtile, dont les bienfaits dépassent le cadre du soin physique pour toucher à la régulation du système nerveux, à l’équilibre émotionnel et à la qualité du lien humain-animal. Le Shiatsu invite à une forme de rencontre respectueuse, non dirigée, vivante.

Dans ce mémoire, je m’intéresse plus particulièrement à une catégorie de chevaux que l’on qualifie volontiers de “difficiles”, “dangereux”, voire “insoignables”. Ce choix peut sembler paradoxal pour une approche aussi douce que le Shiatsu. Et pourtant, c’est précisément pour cela qu’il m’est apparu essentiel. Car ces chevaux, souvent marginalisés ou incompris, sont aussi ceux qui nous obligent à interroger profondément notre posture : notre façon d’entrer en relation, de toucher, d’attendre, de demander sans imposer. Ils nous mettent face à nos limites, mais aussi à nos potentiels d’évolution.

Ce mémoire vise à mieux comprendre les comportements de ces chevaux, à interroger les ressorts de la relation qui s’instaure - ou non - entre eux et nous, et à proposer des pistes d’accompagnement respectueuses. Il s’agit autant d’un travail d’observation que de réflexion, mêlant apports théoriques, expériences de terrain et cheminement personnel. Mon intention est de contribuer, à ma mesure, à l’émergence d’une approche du soin équin plus consciente, plus douce, et profondément ancrée dans le respect du vivant.

LE CHEVAL

Avant de parler de soins, de techniques ou d’accompagnement, il est fondamental de revenir à l’essence même du cheval. Trop souvent, nos interventions reposent sur une méconnaissance - partielle ou profonde - de ce qu’est réellement cet animal : ses origines, ses besoins, ses modes de fonctionnement, son langage, ses ressentis. Cette première partie propose une plongée dans l’univers du cheval, non pas tel que nous aimerions qu’il soit, mais tel qu’il est, un être sensible, social, sensoriel, en lien étroit avec son environnement. À travers l’histoire de son évolution, les conditions de sa domestication, ses besoins fondamentaux, sa communication, ses modes d’apprentissage et ses émotions, il s’agit ici de poser un regard respectueux et lucide sur le cheval pour mieux comprendre ce qui fonde son équilibre et sa disponibilité au monde.

Ses origines

L’évolution des membres de la famille des équidés - aujourd’hui représentés par les chevaux (Equus caballus), les ânes (Equus asinus), les zèbres (Equus zebra) et les hémiones (Equus hemionus) - débute il y a environ 55 millions d’années, dans les forêts denses et humides d’Amérique du Nord, avec les représentants du genre Hyracotherium, parfois surnommé le “cheval de l’aurore".

Puisque nous connaissons ce point de départ et que nous côtoyons aujourd’hui les équidés modernes, il serait tentant de concevoir leur histoire comme une évolution linéaire, menant progressivement d’un petit animal forestier à un cheval galopant sur les steppes. Pourtant, la réalité est toute autre. L’évolution des équidés est profondément buissonnante : elle ressemble bien plus à une constellation de tentatives, d’adaptations, de bifurcations, qu’à un chemin unique. Il est ainsi plus juste de parler de modèles successifs qui ont cohabité, prospéré ou disparu, en réponse aux grandes mutations écologiques et climatiques de la planète.

Le premier modèle émerge au début de l’Éocène. Il est représenté par les genres Hyracotherium, Mesohippus, Anchitherium et Hypohippus. Ces animaux sont de petite taille, de l’ordre de 30 à 60 cm au garrot et dotés de plusieurs doigts : quatre ou trois à l’avant, trois à l’arrière. Leurs membres fins et polydactyles leur assurent stabilité et agilité sur les sols meubles de la forêt, tandis que leurs dents courtes (brachyodontes) leur permettent de se nourrir de feuilles, de graines tendres et de fruits. Leur existence révèle un monde encore confiné sous la canopée, où la fuite rapide ne prime pas encore sur la capacité à se faufiler et à manœuvrer.

Au Miocène inférieur, il y a environ 24 millions d’années, les grandes forêts régressent. Les prairies ouvertes s’étendent et avec elles, un deuxième modèle se développe tout en coexistant avec le précédent. Les genres Parahippus, Merychippus et Hipparion sont plus grands, souvent au-dessus du mètre au garrot. Leur mode de locomotion évolue : le doigt médian devient le seul véritable appui au sol, les autres ne jouant qu’un rôle secondaire, mobilisés seulement dans les sols meubles. Cette évolution vers le monodactylisme partiel s’accompagne d’un besoin nouveau : parcourir de longues distances, parfois en fuite, sur des terrains plus durs et plus variés. Le régime alimentaire change également : les dents commencent à s’adapter à une végétation plus abrasive.

Le troisième modèle, enfin, émerge à la fin du Miocène, vers 5 millions d’années avant notre ère. Il regroupe les genres Dinohippus, Hippidion, Plesippus, Allohippus et Equus. Ce modèle est pleinement monodactyle : un seul doigt, le médius, forme le sabot, offrant solidité, propulsion et endurance. Les dents, désormais hypsodontes, ont des couronnes hautes et une croissance prolongée, idéales pour la mastication de graminées dures, riches en silice. Ce modèle est taillé pour les grands espaces, les steppes, les savanes. Certains représentants migrent vers l’Eurasie et l’Afrique, d’autres vers l’Amérique du Sud. Mais seuls les membres du genre Equus survivent aux bouleversements climatiques, à la prédation et aux extinctions massives de la fin du Pléistocène.

Ce sont eux, les ancêtres directs de nos chevaux, ânes, zèbres et hémiones. Et parmi eux, Equus ferus, forme sauvage,  va connaître une histoire nouvelle, tissée avec celle des humains. Une histoire de contact, d’observation, de sélection, parfois d’exploitation, parfois de compagnonnage. C’est à partir de cette base que l’homme, depuis plus de 6000 ans,  s’est livré à des expériences de domestication qui ont orienté l’évolution des équidés non plus par sélection naturelle, mais par sélection humaine.

Sa domestication

La domestication du cheval constitue une étape marquante de l’histoire humaine et un tournant décisif dans l’évolution de l’espèce équine. Si l’on en connaît les conséquences - développement de l’agriculture, extension des territoires, guerres à grande échelle, mais aussi liens affectifs, échanges culturels et spirituels - les origines précises de ce processus sont plus complexes à démêler.

Longtemps, on a cru que le cheval avait été domestiqué en un lieu unique à un moment donné. Les recherches génétiques, paléogénétiques et archéozoologiques les plus récentes invitent plutôt à penser une pluralité d’expérimentations, parfois simultanées, parfois indépendantes, parfois infructueuses.

Les premières traces concrètes de domestication aboutie remontent à environ 3500 à 3000 ans avant notre ère, dans les steppes du nord du Kazakhstan, sur le site de Botai, une culture néolithique dont les vestiges ont été mis au jour dans les années 1980. Là, les archéologues ont retrouvé une abondance de restes équins associés à des enclos, des outils, et des habitations, indiquant une présence structurée et intentionnelle des chevaux dans la vie quotidienne. Les analyses chimiques de résidus retrouvés sur des poteries ont même permis de détecter des traces de lait de jument fermenté, signe probable d’un élevage en vue de la traite.

Pourtant, les chevaux de Botai n’étaient pas les ancêtres directs de nos chevaux modernes (Equus caballus). Des études génétiques ont révélé qu’ils étaient plus proches de l’actuel cheval de Przewalski, une forme sauvage longtemps considérée comme "primitive", mais désormais vue comme descendante d’un lignage domestiqué retourné à l’état sauvage. La domestication véritable du cheval moderne semble donc s’être produite plus tard, dans une autre région.

C’est dans les steppes pontiques, entre le nord de la mer Noire et l’Oural, que les généticiens situent aujourd’hui l’origine probable de Equus caballus, il y a environ 4200 ans. Là, les chevaux présentant les caractéristiques génétiques des chevaux domestiques actuels se sont répandus rapidement vers l’Europe, le Moyen-Orient et l’Asie, portés par des peuples cavaliers comme les Yamnayas. L’A.D.N. mitochondrial retrouvé dans les fossiles équins anciens montre une grande diversité maternelle, signe que les hommes ont incorporé à leurs troupeaux de nombreuses juments issues de lignées sauvages variées, tandis que le patrimoine génétique paternel est beaucoup plus homogène, ce qui suggère une sélection stricte des étalons reproducteurs.

Quant aux modalités de domestication, elles ont certainement été progressives. Les premiers contacts ont pu prendre la forme d’une capture d’animaux sauvages jeunes, de tentatives d’apprivoisement, voire d’un élevage pour la viande ou la traite. Ce n’est que dans un second temps que les hommes ont découvert les capacités de traction et de portage du cheval, puis son potentiel comme animal monté. La maîtrise du harnachement, du licol, du mors - dont certains exemplaires en os ou en bois ont été retrouvés sur des sites d’Europe orientale - a marqué un tournant. Les chevaux sont alors devenus vecteurs de mobilité, agents d’expansion, instruments de pouvoir.

Les représentations figurées des chevaux, très nombreuses dans l’art rupestre paléolithique (comme à Lascaux, Chauvet ou Pech-Merle), témoignent d’une relation ancienne et intense entre humains et équidés. Ces peintures ne prouvent pas la domestication, mais elles révèlent une attention profonde portée à l’animal, à son allure, à sa vitalité, à ses comportements.

En revanche, les représentations de chevaux harnachés ou montés n’apparaissent qu’à partir de -2000 à -1800, notamment en Mésopotamie et en Asie centrale, sur des bas-reliefs, sceaux-cylindres, fresques, ou figurines. C’est le signe d’un changement culturel où le cheval cesse d’être uniquement gibier ou totem, pour devenir compagnon, partenaire, parfois instrument de guerre.

La domestication du cheval ne fut donc pas un événement isolé, mais une dynamique longue, souvent ambiguë, faite de tâtonnements, d’apprentissages mutuels, de contraintes imposées mais aussi de formes d’adaptation réciproques. Cette histoire continue aujourd’hui, dans chaque rencontre homme-cheval, avec son lot de traditions, de transmissions et de réinventions.

Ses besoins fondamentaux

Pour comprendre un cheval, il est essentiel de reconnaître ce qui, au-delà de son apparence, fonde sa nature profonde. Le domestique n’efface pas le sauvage. Malgré des millénaires d’interactions avec l’humain, le cheval reste un animal de proie, grégaire, sensible, fait pour se déplacer, s’alimenter lentement, vivre en groupe et entretenir un équilibre physiologique, émotionnel et sensoriel bien différent du nôtre.

Sa perception du monde est façonnée par une organisation sensorielle fine, adaptée à ses instincts de survie. Son champ visuel panoramique, d’environ 340°, lui permet de détecter des mouvements discrets sur presque tout l’horizon, bien que sa vision binoculaire - zone de vision précise - reste restreinte. L’ouïe du cheval est particulièrement développée : ses oreilles mobiles captent les sons dans toutes les directions, y compris les fréquences plus aiguës que celles perceptibles par l’homme. Son odorat, très performant, l’aide à reconnaître les congénères, à identifier les lieux et à se repérer dans l’espace social. Le toucher, notamment au niveau du museau et des vibrisses, joue un rôle central dans l’exploration, la communication et le lien avec l’environnement. À cela s’ajoute une forme d’hyper-réceptivité aux vibrations (pression atmosphérique, intentions, tensions émotionnelles) qui influence directement son état de vigilance.

Ces besoins fondamentaux - physiologiques, sociaux, émotionnels, sensoriels - sont souvent négligés dans nos pratiques alors qu’ils constituent les piliers d’un bien-être réel. Les ignorer, c’est créer de la tension, de l’inconfort, voire de la souffrance. Les respecter, c’est ouvrir la voie à une relation apaisée et juste, où le cheval peut vivre pleinement sa nature.

Le cheval est un animal nomade par nature. Dans un environnement naturel, il peut parcourir entre 15 et 30 kilomètres par jour, en quête d’eau, de nourriture ou pour interagir avec ses congénères. Ce mouvement constant est vital : il maintient l’intégrité de son appareil locomoteur - muscles, tendons, articulations - stimule son système digestif - permettant un transit fluide - et soutient son équilibre psychique.

Un manque de mouvement - dû à la vie au box ou à un confinement prolongé - peut entraîner des troubles comportementaux (tics, agressivité, léthargie, stress chronique), des tensions corporelles (raideurs, douleurs dorsales) ou des troubles digestifs comme les coliques. Il affecte également la régulation du système nerveux autonome, accentuant l’hypervigilance et l’instabilité émotionnelle.

Il est donc essentiel d’offrir au cheval un accès régulier à des espaces ouverts (pré, paddock, système de type paddock paradise), où il peut se mouvoir librement et répondre à ses besoins sensoriels et physiques.

Le cheval est un être fondamentalement social qui vit en troupeau structuré selon des hiérarchies souples. Dans ce contexte, il développe des interactions fines et constantes : toilettages mutuels, jeux, intimidations, gardes alternées... Ces comportements ont une fonction régulatrice et rassurante. Ils aident le cheval à se construire psychiquement, à gérer ses émotions, et à se sentir sécurisé.

Cette vie sociale repose sur un langage corporel riche et subtil que le cheval maîtrise dès ses premiers jours. Il communique essentiellement par des postures, des tensions, des mimiques, des déplacements ou des immobilités. La position des oreilles, la direction du regard, l’état de tension de la mâchoire, le port de la queue, la mobilité des lèvres ou des naseaux sont autant d’indices sur son état interne et ses intentions relationnelles. Ces signaux, parfois très discrets, sont toujours cohérents dans leur contexte d’apparition.

Au sein du troupeau, les chevaux utilisent ces codes pour interagir sans agressivité inutile : prévenir d’un inconfort, solliciter une interaction, demander de l’espace, exprimer leur état émotionnel ou renforcer un lien. Ce langage est également un outil d’autorégulation émotionnelle. Il inclut des signaux dits d’apaisement - comme détourner la tête, mâchonner à vide, se gratter, bâiller - qui permettent de désamorcer les tensions et de maintenir une stabilité relationnelle.

Lorsqu’un cheval est privé de ces échanges - par l’isolement ou le manque de contacts physiques - ce besoin de communication s’éteint peu à peu, engendrant un appauvrissement émotionnel, des troubles du comportement ou un repli sur soi. Un cheval isolé souffre, même s’il ne le montre pas toujours. Cette souffrance peut se manifester par de l’agressivité, de l’apathie, des stéréotypies ou une hypervigilance.

Idéalement, les chevaux devraient pouvoir vivre en petits groupes stables, composés d’individus de tous âges, avec des contacts continus ou très réguliers. La simple vue d’un congénère ne suffit pas à répondre à ce besoin profond : c’est dans la co-régulation corporelle et émotionnelle que s’installe le sentiment de sécurité relationnelle. Le rôle de l’humain, alors, est de ne pas devenir un substitut à cette vie sociale, mais bien un interlocuteur attentif et respectueux, capable de décoder ces signaux pour mieux s’y ajuster.

Comprendre et respecter le langage social du cheval, c’est non seulement favoriser son bien-être émotionnel, mais aussi poser les bases d’une relation de confiance et de fluidité, où chaque interaction devient une opportunité de dialogue.

Le système digestif du cheval est celui d’un herbivore non ruminant, conçu pour ingérer de petites quantités de nourriture en continu. Dans la nature, un cheval passe entre 15 et 18 heures par jour à brouter, dans un déplacement lent. Cette prise alimentaire fragmentée permet le bon fonctionnement d’un système digestif particulièrement sensible, mais aussi une forme d’occupation mentale rassurante.

Son alimentation doit se baser sur des fibres longues : herbe, foin de qualité, éventuellement complétée par des plantes ou minéraux adaptés. Le recours aux concentrés doit être réfléchi, sous peine de générer acidité gastrique, coliques, ulcères, ou déséquilibres métaboliques.

Un accès libre ou régulé au fourrage (distribué en plusieurs points), accompagné d’eau propre à volonté, constitue une base essentielle à son bien-être digestif, comportemental, mais aussi sensoriel : le fait de chercher, sentir, trier et mâchonner est une activité naturelle qui engage ses sens et régule son système nerveux.

En tant qu’animal de fuite, le cheval est constamment à l’écoute de son environnement. Il détecte des signaux subtils bien avant nous, grâce à ses sens affinés. Il perçoit les intentions, les incohérences, les gestes brusques, les tensions émotionnelles humaines. Cette vigilance constante, si elle n’est pas contrebalancée par un environnement stable et prévisible, devient source de stress chronique.

Un cheval a besoin d’un cadre sécurisant : un environnement calme, des routines cohérentes, des interactions respectueuses. Le langage corporel humain, notre posture, notre respiration, notre ton, sont autant d’éléments qu’il lit en permanence. Toute incohérence est perçue. Toute brutalité, même verbale, est enregistrée.

Le confort du cheval ne se résume pas à l’absence de douleur : il s’agit d’un état d’équilibre physique, postural, sensoriel. Le cheval a besoin d’un abri contre les intempéries, de sols non traumatisants, d’une liberté de posture (se coucher, se rouler, s’étirer), mais aussi de stimulations adaptées : pouvoir gratter, mâchonner, observer, interagir.

L’exploration est essentielle à son équilibre sensoriel. Elle permet la construction d’un rapport actif et confiant au monde. Un cheval privé de stimulation tombe dans l’ennui, l’apathie ou l’hypervigilance, et peut développer des troubles associés (peurs excessives, comportements d’évitement, stéréotypies).

Un environnement riche, varié, respectueux de ses perceptions - visuelles, auditives, olfactives, tactiles - soutient son bien-être global. Il devient alors plus curieux, connecté, joyeux.

Ses modes d’apprentissage 

Comme tout animal, le cheval possède la faculté d’adapter son comportement à un changement imprévisible de son environnement. Dès leur naissance, les chevaux domestiques sont amenés à intégrer différents codes que nous leur apprenons, comme se mettre à marcher au pas lorsque l’éleveur tend la longe vers l’avant. Plus l’animal grandit, plus les codes deviennent précis et nombreux. Les informations retenues s’acquièrent suivant deux grands processus : les apprentissages non associatifs et associatifs.

L’habituation est un processus d’apprentissage non associatif qui consiste en la diminution d’une réponse comportementale face à un stimulus répété. Le cheval va ainsi apprendre à ne plus réagir au pansage, à la pose d’une couverture ou à la douche. Il est essentiel que cette habituation se fasse dans le calme, progressivement, sans que l’animal manifeste de réaction de peur trop intense. Inversement, la sensibilisation est un processus d’apprentissage non associatif qui consiste en l’augmentation d’une réponse comportementale à un stimulus très intense. Le cheval réagit alors fortement lorsqu’il est de nouveau exposé à ce stimulus. Ce mécanisme de survie lui permet de réagir rapidement en cas de danger, mais en contexte domestique, il peut être source d’accidents ou de comportements inadaptés s’il n’est pas compris et encadré.

Le cheval peut aussi apprendre par lui-même. Par exemple, lorsqu’un soigneur sort la brouette de granulés de la graineterie, tous les chevaux de l’écurie sortent la tête du box et se mettent à hennir ou à taper dans la porte. Après quelque temps, ils ont appris à associer le bruit de la brouette à l’arrivée de la nourriture : il s’agit là d’un conditionnement classique. Le cheval apprend également à associer une réponse précise à une demande claire du soigneur ou du cavalier : on parle alors de conditionnement opérant. Pour l’installer, l’éducateur s’appuie sur des renforcements, positifs ou négatifs.

Le renforcement négatif, très utilisé dans les méthodes traditionnelles, repose sur l’application d’une pression désagréable (physique ou spatiale) que l’on cesse dès que le cheval exécute le comportement attendu. Le renforcement positif, quant à lui, consiste à récompenser le cheval (nourriture, caresse, pause) après l’accomplissement de la tâche. Il favorise la motivation et l’enthousiasme, à condition d’être utilisé avec cohérence et justesse.

Pour qu’un apprentissage soit réellement intégré, il est nécessaire que le cheval comprenne ce qu’on attend de lui et que le laps de temps entre sa réponse et le renforcement soit très court (quelques secondes au maximum). Il est également préférable de privilégier des séances courtes, répétées, plutôt qu’un long entraînement ininterrompu - ce qui est particulièrement valable chez les jeunes chevaux.

Les capacités d’apprentissage du cheval sont intimement liées à sa mémoire, à la fois très fine et fortement influencée par les émotions. Doté d’une mémoire associative remarquable, le cheval retient durablement les expériences marquantes, en particulier celles qui sont chargées affectivement. Il peut ainsi se souvenir longtemps d’un lieu, d’un humain ou d’une situation, en fonction de la nature émotionnelle de l’interaction.

Ce phénomène est double : un apprentissage associé à un état de calme, de curiosité ou de confort sera plus facilement rejoué et valorisé. À l’inverse, une expérience vécue dans la peur, la douleur ou la confusion s’ancrera durablement comme un signal d’alerte. Le cheval peut alors développer une mémoire émotionnelle négative, qui influence fortement ses comportements futurs. Cette mémoire est souvent involontairement renforcée par l’humain lorsqu’il néglige les signes précoces d’inconfort ou impose une pression trop forte sans phase de relâchement.

Les émotions du cheval ne sont pas anecdotiques : elles participent à sa perception du monde, à sa motivation à apprendre, à son degré de disponibilité ou de réticence. Il ne s’agit pas de projeter sur lui des affects humains, mais de reconnaître que ses états internes - peur, confiance, plaisir, frustration - modulent son comportement de manière fine et signifiante. Comme l’ont démontré plusieurs études en éthologie cognitive, le cheval est capable de reconnaître les expressions faciales humaines, de généraliser une émotion perçue d’un individu à l’autre et de montrer une préférence pour les personnes associées à des expériences positives.

Pour enseigner à un cheval, il faut donc prendre en compte non seulement la clarté des signaux, mais aussi le climat émotionnel dans lequel s’inscrit l’apprentissage. Car l’ancrage d’un comportement ne se joue pas seulement dans le corps, mais aussi dans le cœur, la mémoire et le lien.

Comprendre le cheval dans sa nature la plus profonde, c’est poser les bases d’une relation juste, respectueuse et adaptée. À travers l’exploration de ses origines, de ses besoins fondamentaux, de son langage corporel, de ses modes d’apprentissage et de son rapport aux émotions, il apparaît clairement que tout accompagnement - qu’il soit éducatif, vétérinaire ou corporel - gagne à s’ajuster à cette réalité sensible et complexe. C’est dans cette perspective que s’inscrit le Shiatsu équin. Discipline subtile, à la croisée du toucher, de l’écoute et de la tradition énergétique orientale, le Shiatsu propose une autre manière d’entrer en relation avec le cheval. Il invite à ralentir, à observer, à ressentir. Il nous offre une grille de lecture singulière, mais profondément compatible avec la physiologie, l’éthologie et les dimensions émotionnelles du cheval. 

`LE SHIATSU

Prendre soin d’un cheval ne se limite pas à lui offrir un abri, de la nourriture ou un cadre de travail. Cela implique d’entrer en relation avec lui, avec son corps, ses ressentis, ses besoins profonds. C’est dans cette perspective que s’inscrit le Shiatsu : un art du toucher conscient, issu de la tradition japonaise, qui vise à soutenir la vitalité de l’organisme en favorisant la libre circulation de l’énergie vitale - ou Ki - dans l’ensemble du corps. Longtemps réservé aux humains, le Shiatsu s’ouvre depuis plusieurs décennies à d’autres espèces, et notamment aux chevaux. Cette adaptation ne va pas de soi : elle suppose une connaissance fine du corps équin, de ses spécificités énergétiques et de ses modes d’expression. Cette deuxième partie a pour objectif d’explorer les fondements du Shiatsu, son histoire, ses grands principes, son ancrage dans les médecines orientales, ainsi que les modalités de sa transposition au cheval. Elle constitue un socle indispensable pour mieux comprendre, dans les parties suivantes, comment cette pratique peut venir soutenir les chevaux en difficulté face aux soins ou aux manipulations.

Ses origines

Le Shiatsu est né au Japon au début du XXe siècle, mais ses fondements plongent leurs racines dans des traditions bien plus anciennes. Le terme “Shiatsu” signifie littéralement “pression des doigts” (指, shi : doigt ; 圧, atsu : pression) et désigne une pratique corporelle manuelle visant à rétablir la circulation de l’énergie vitale dans le corps.

Les origines du Shiatsu sont intimement liées à la Médecine Traditionnelle Chinoise (M.T.C.), une pensée millénaire fondée sur l’observation des phénomènes naturels, du corps humain, et de l’énergie qui les traverse. Dans cette conception, la santé résulte de la libre circulation du Ki (ou Qi en chinois), cette énergie subtile et vitale qui anime tous les êtres vivants. Lorsque le Ki circule harmonieusement dans les méridiens - les canaux énergétiques du corps - l’équilibre est maintenu. En revanche, lorsqu’il y a blocage, stagnation ou vide, des déséquilibres apparaissent, qui peuvent s’exprimer par des tensions, des troubles émotionnels ou des maladies.

Avant de porter le nom de Shiatsu, cette approche manuelle s’est nourrie de plusieurs traditions : le Anma (un massage japonais traditionnel aux gestes rythmés), le Do-In (pratique d’auto-massages et d’exercices énergétiques), mais aussi les principes philosophiques du Taoïsme, la théorie des Cinq éléments, et la connaissance fine du Yin et du Yang.

Au début du XXe siècle, plusieurs praticiens japonais vont formaliser et développer le Shiatsu tel qu’on le connaît aujourd’hui. Parmi eux, Tokujiro Namikoshi (1905-2000), souvent considéré comme le père fondateur du Shiatsu moderne, fonde en 1940 le Japan Shiatsu College. Son approche, d’abord centrée sur les bienfaits physiologiques de la pression sur les points du corps, est reconnue officiellement par le ministère japonais de la santé en 1955.

Dans le même temps, d’autres courants de Shiatsu émergent, plus proches des fondements énergétiques de la M.T.C. Le plus influent est sans doute celui de Shizuto Masunaga, psychologue et enseignant de Shiatsu. En intégrant une lecture plus globale du corps et de l’émotion, il développe ce que l’on appelle aujourd’hui le Zen Shiatsu. Il y réintroduit la théorie des méridiens, élargit leur cartographie, et insiste sur l’importance de la posture intérieure du praticien.

Ces courants, tout en étant divers dans leurs formes, partagent une intention commune : celle de restaurer l’équilibre vital à travers un toucher attentif, profond, respectueux.

Dans un monde où l’écoute du corps se perd souvent derrière des logiques de performance ou de productivité, le Shiatsu propose un retour à la lenteur, à la présence, à la sensation. Cette dimension sensible en fait une approche particulièrement adaptée au cheval, être hautement perceptif, réceptif au non-verbal, et dont le langage corporel est au centre de toutes les relations.

Sa transposition chez le cheval 

Le Shiatsu, tel qu’il est pratiqué aujourd’hui auprès des chevaux, est le fruit d’une adaptation progressive d’une technique née pour l’humain. Cette transposition ne relève pas d’une simple reproduction mécanique des gestes ou des protocoles. Elle résulte d’un cheminement à la fois expérimental et intuitif, mené par quelques pionniers qui ont su écouter et respecter la nature profonde du cheval.

C’est dans les années 1980-1990 que l’idée d’adapter cette pratique au cheval commence à émerger, principalement en Europe et en Amérique du Nord. Parmi les figures clés de cette transposition, on peut citer Pamela Hannay, élève directe de Shizuto Masunaga, qui fut l’une des premières à appliquer les principes du Zen Shiatsu aux chevaux. Elle a largement contribué à poser les bases d’un Shiatsu équin respectueux, centré sur l’écoute et la relation. Glynnis Osher, praticienne canadienne, qui a exploré le lien entre les méridiens équins et le comportement du cheval, en apportant une lecture énergétique et comportementale complémentaire. Jacques Tombal en Europe, praticien belge de Shiatsu, a également marqué cette transition, notamment par ses recherches sur les adaptations anatomiques et les effets du Shiatsu sur le système musculo-squelettique équin.

En France, cette discipline a trouvé un écho croissant dans les années 2000, notamment grâce au travail de l’École Française de Shiatsu Animalier (EFSA) et de praticiens issus du monde vétérinaire, ostéopathique ou énergétique. Le développement du Shiatsu équin s’est progressivement structuré autour de formations spécifiques, de publications professionnelles et d’un corpus de connaissances en constante évolution, alimenté par l’expérience de terrain.

Le cheval présente une morphologie et une physiologie singulières. Animal de fuite, il est construit pour le mouvement, l’économie d’énergie et la vigilance constante. Sa musculature fine, sa colonne vertébrale suspendue, la grande mobilité de ses fascias et la réactivité de sa peau rendent tout toucher corporel particulièrement impactant.

Sur le plan énergétique, la transposition des douze méridiens principaux humains au cheval a été adaptée pour tenir compte de sa morphologie allongée, quadrupède et de sa gestuelle. Ces trajets suivent en grande partie les grandes chaînes musculaires et fasciales, mais se lisent également dans l'expression corporelle globale : tonus, fluidité, postures de repos, mouvements spontanés.

Le cheval est aussi un être extrêmement sensible sur le plan énergétique. De nombreux praticiens remarquent que ses réactions aux stimulations subtiles (pression légère, intention, respiration, visualisation) sont souvent plus immédiates et profondes que chez l’humain.

Travailler avec un cheval demande d’adapter non seulement ses gestes, mais son état d’être. Le cheval ne parle pas notre langue, mais il perçoit nos intentions, notre rythme intérieur, nos incongruences. Il réagit à la moindre tension dans notre corps, au moindre flottement de concentration. Le toucher doit donc être précis, stable, respectueux, mais aussi doux et réceptif.

La posture du praticien s’adapte au terrain et à la taille du cheval : à genoux, accroupi, en appui stable, en se tenant toujours dans la zone de confort de l’animal, jamais en frontal direct ou dans l’angle mort. La pression s’exerce par les doigts - le majeur principalement - dans une écoute réciproque. Chaque appui est un dialogue.

L’observation est au cœur du Shiatsu équin. Avant même le contact, le corps du cheval donne des indices : port de tête, orientation des oreilles, appuis, frémissements, tension du regard, qualité de la respiration. Chaque détail est un message.

Mais plus encore, c’est la qualité de la relation qui fait toute la différence. Le cheval ne peut recevoir le soin que dans un climat de confiance. Il doit se sentir en sécurité pour relâcher. Ce lien ne se décrète pas, il se construit, parfois en silence, parfois lentement, parfois avec des détours. Il suppose de poser ses attentes, de s’ajuster à ce que l’animal peut ou veut offrir.

C’est là que le Shiatsu devient plus qu’une technique : un art de l’écoute, une coprésence entre deux êtres vivants, une rencontre authentique.

Être praticien en Shiatsu équin, c’est être avant tout une présence stable et bienveillante. Ce n’est pas imposer, mais proposer. Ce n’est pas exiger une réponse, mais accueillir ce qui est. Le praticien apprend à se réguler, à respirer, à ralentir son mental. Il affine son ressenti, développe sa proprioception et cultive sa disponibilité intérieure.

Ses fondements

Le Shiatsu repose sur plusieurs principes fondamentaux qui lui donnent sa cohérence et sa profondeur. Ces principes, hérités pour une large part de la M.T.C., sont à la fois philosophiques, énergétiques et pratiques. Ils permettent de penser l’être vivant dans sa globalité et d’envisager la santé comme un équilibre dynamique, sans jamais dissocier le corps, l’esprit, les émotions et l’environnement.

Au cœur du Shiatsu se trouve la notion de Ki, cette énergie invisible mais essentielle qui anime toute forme de vie. Le Ki circule à travers le corps en empruntant des trajets appelés méridiens, qui relient entre eux les organes, les tissus, les émotions, les fonctions vitales. Tant que le Ki circule de manière fluide et harmonieuse, l’être est en santé. Mais lorsqu’il stagne, s’épuise ou s’emballe, des déséquilibres apparaissent, d’abord subtils, puis plus visibles.

Le praticien de Shiatsu se forme à ressentir cette énergie à travers ses mains, à en lire les excès, les vides ou les blocages, et à la réguler en exerçant une pression douce, stable et respectueuse sur les trajets énergétiques.

Autre pilier du Shiatsu, le concept de Yin et Yang représente les deux forces complémentaires qui sous-tendent toute manifestation du vivant. Le Yin symbolise la matière, la nuit, le froid, le repos, l’intérieur. Le Yang incarne le mouvement, la lumière, la chaleur, l’action, l’extérieur. Aucune de ces forces n’existe sans l’autre. L’harmonie d’un être se définit par l’équilibre de ces deux polarités, qui sont en constante transformation.

Chez le cheval, cette dynamique est particulièrement visible : un excès de Yang peut se manifester par une agitation, une tension musculaire, une hypervigilance ; un excès de Yin par de la léthargie, un manque de tonus, un repli. Le Shiatsu cherche à restaurer l’équilibre Yin/Yang propre à chaque individu, à chaque instant.

Le Shiatsu utilise également la théorie des Cinq éléments (Bois, Feu, Terre, Métal, Eau), une classification symbolique issue de la pensée chinoise ancienne. Chaque élément est associé à un couple d’organes, une saison, une émotion, une couleur, un type de mouvement.

Cette lecture permet de poser un regard plus nuancé sur les déséquilibres du corps et de l’esprit. Un cheval ayant des difficultés à gérer sa colère, par exemple, pourra présenter des tensions sur les méridiens du Bois ; un cheval anxieux, aux troubles digestifs récurrents, pourra révéler un déséquilibre de l’élément Terre.

Le praticien de Shiatsu apprend à reconnaître les manifestations de ces éléments, à ressentir leur expression dans le corps du cheval et à soutenir leur équilibre par un toucher ciblé et conscient.

L’un des principes les plus essentiels du Shiatsu est sa vision holistique. Le cheval n’est jamais réduit à un symptôme ou à une région corporelle isolée. Chaque tension, chaque réaction, chaque modification dans la texture des tissus ou dans le comportement est envisagée comme le reflet d’un équilibre plus vaste - physique, émotionnel, énergétique.

C’est cette attention à l’unité de l’être qui rend le Shiatsu si précieux dans l’accompagnement du cheval. Le toucher ne se limite pas à détendre un muscle ou à stimuler une fonction organique ; il entre en relation avec la totalité de l’individu, avec ce qu’il vit, ce qu’il ressent, ce qu’il exprime.

Enfin, le Shiatsu repose sur une posture intérieure spécifique. Le praticien ne se contente pas d’appliquer des techniques ; il entre en présence, en lien, en écoute. Il cultive l’ancrage, la respiration, la qualité de son intention. Son toucher n’est ni intrusif, ni passif. Il est disponible, stable, concentré, bienveillant.

Face au cheval, cet état de présence est fondamental. L’animal perçoit immédiatement la qualité de l’attention, l’authenticité du geste, la cohérence intérieure de l’humain. Le Shiatsu invite donc le praticien à travailler autant sur lui-même que sur l’autre. C’est une voie de connaissance, de régulation, d’harmonie.

Ses apports, en particulier chez les chevaux

Le Shiatsu, en tant que pratique énergétique globale, offre au cheval bien plus qu’un simple moment de détente. Il s’inscrit dans une démarche de soin préventif, de rééquilibrage et de soutien profond de la vitalité. Les bienfaits observés, tant sur le plan physique qu’émotionnel, sont nombreux, variés et dépendent à la fois de l’état du cheval, de son histoire, de son environnement et de la qualité de la relation établie avec le praticien.

L’un des effets majeurs du Shiatsu est d’agir sur la circulation de l’énergie vitale dans l’ensemble de l’organisme. En favorisant une meilleure circulation du Ki le long des méridiens, il permet de prévenir les blocages, de détendre les tensions profondes, et de soutenir l’équilibre fonctionnel des différents systèmes : digestif, respiratoire, locomoteur, immunitaire, hormonal…

Le cheval est un animal particulièrement sujet aux tensions corporelles liées à ses modes de vie (box, travail, transport, alimentation concentrée) et à sa sensibilité émotionnelle. Le Shiatsu permet de relâcher les crispations musculaires et fasciales, améliorer la mobilité articulaire et l’aisance corporelle, stimuler la circulation sanguine et lymphatique, favoriser une meilleure récupération après l’effort ou la convalescence, accompagner les phases de transition (croissance, vieillissement, changement d’environnement)... Il peut ainsi s’intégrer de manière complémentaire à un suivi vétérinaire, ostéopathique, ou à un programme de remise en forme.

Le toucher stable, profond, respectueux du Shiatsu active le système nerveux parasympathique, celui du repos et de la régénération. Les signes de relâchement ne tardent souvent pas à apparaître : respiration plus calme, paupières qui s’alourdissent, mâchonnement, soupirs, postures d’appui ou de sommeil.

Chez certains chevaux, très sollicités ou mentalement sur la défensive, ces signes mettent plus de temps à émerger. Mais lorsque la confiance s’installe, le corps du cheval semble se “poser”, parfois pour la première fois depuis longtemps. Ce relâchement profond est une condition essentielle à toute forme de guérison, de réparation, de retour à soi. Le Shiatsu devient alors un temps fort dans la vie du cheval, un moment où il peut se reconnecter à ses sensations, habiter à nouveau son corps, se sentir reconnu et respecté dans ce qu’il vit.

Le Shiatsu ne s’adresse pas uniquement au corps. Il touche également les états émotionnels qui s’y inscrivent : peurs, frustrations, colères, pertes, stress résiduel, hypersensibilité… Le cheval ne dissocie pas son émotion de son corps. Une tension dans le dos peut être l’écho d’un traumatisme ancien. Une raideur d’encolure peut exprimer une retenue, une crainte de se livrer. Un cheval agressif peut cacher une profonde insécurité.

Le travail sur certains méridiens, comme celui du Cœur, du Maître-Cœur, du Foie ou de la Rate, permet d’agir plus spécifiquement sur les grandes émotions fondamentales : la joie, la peur, la colère, le souci… Chaque organe, dans la pensée orientale, est porteur d’une énergie physique mais aussi d’une dimension émotionnelle et spirituelle. Le Shiatsu ne cherche pas à “effacer” ces émotions, mais à les remettre en circulation, à permettre leur digestion énergétique, pour que le cheval retrouve son équilibre naturel.

Offrir un Shiatsu à un cheval, c’est lui offrir un espace de présence inconditionnelle. C’est renverser, même pour un instant, la logique habituelle de la demande : il ne s’agit plus de lui demander quelque chose mais de lui donner sans attente. Ce simple geste modifie profondément la nature de la relation.

Beaucoup de chevaux, conditionnés à répondre aux injonctions humaines, redécouvrent à travers le Shiatsu la possibilité d’exister pleinement dans l’interaction. Ils deviennent acteurs du soin : ils s’approchent, s’éloignent, guident parfois la main vers une zone en besoin. La relation devient alors fluide, mutuelle, vivante.

Pour l’humain, c’est aussi une opportunité d’apprentissage : ralentir, écouter, ajuster son intention, respecter les limites, accueillir l’inattendu. La pratique du Shiatsu devient une école de présence, une voie de transformation mutuelle où chacun, humain comme cheval, se découvre dans l’espace de la rencontre.

Le Shiatsu, dans son essence, est une invitation à ralentir, à écouter, à se relier. Héritier d’une tradition japonaise riche et profondément respectueuse du vivant, il s’est peu à peu adapté à d’autres contextes, d’autres espèces, jusqu’à trouver une juste place auprès des chevaux. Cette transposition ne s’est pas faite sans questionnements, ni sans ajustements : elle est le fruit d’une observation attentive, d’une expérimentation progressive, et d’un profond respect de l’animal dans sa singularité. Appliqué au cheval, le Shiatsu devient bien plus qu’une simple technique corporelle : il devient un langage silencieux, un espace d’interaction non-verbale, une porte vers l’intériorité de l’animal. Par le toucher, l’écoute, la régulation énergétique, il permet de soutenir l’équilibre physiologique, émotionnel et relationnel du cheval dans toutes les dimensions de sa vie. Cette approche, loin de vouloir remplacer d’autres formes de soins ou de travail, s’inscrit dans une démarche complémentaire, douce et ajustée. Elle s’adresse à l’ensemble de l’être, dans une vision holistique de la santé et peut offrir une aide précieuse dans les périodes de transition, de stress, de convalescence, ou dans la simple recherche de bien-être et de confort. Elle se révèle également particulièrement pertinente lorsque l’on rencontre des chevaux en souffrance silencieuse, en retrait, ou au contraire en défense permanente face à l’humain. C’est dans cette zone de tension - entre le refus et l’appel - que le Shiatsu prend toute sa dimension d’accompagnement profond, et que se dessine naturellement la suite de ce mémoire.

LES CHEVAUX EN DIFFICULTÉ FACE AUX SOINS

Dans le quotidien des écuries, il n’est pas rare de croiser des chevaux que l’on qualifie de “compliqués”, “ingérables”, voire “dangereux” dès qu’il s’agit de leur prodiguer un soin. Ils ruent, mordent, se défendent, refusent l’approche ou se figent dans une immobilité tendue. Ces comportements, souvent perçus comme des caprices ou des formes d’opposition, traduisent en réalité une difficulté plus profonde. Ils expriment, dans le langage propre à chaque individu, un inconfort, une peur, une incompréhension, ou une blessure ancienne. Ces chevaux nous mettent face à nos limites, nos automatismes, et parfois à nos jugements. Ils nous invitent à ralentir, à observer autrement, à interroger nos gestes, nos intentions, notre manière d’entrer en relation. Que s’est-il passé pour qu’un cheval en arrive à refuser le contact humain, ou à se défendre si vivement à l’approche d’un soin censé lui faire du bien ? À quelles expériences fait-il référence ? Que dit son corps, sa posture, son regard ? Dans cette troisième partie, je propose de prendre le temps de comprendre ce que recouvre cette notion de “difficulté face aux soins”. Loin de se limiter à un comportement extérieur, elle engage toute une histoire, une mémoire corporelle, un vécu émotionnel et relationnel. Il s’agira d’en explorer les origines possibles, les enjeux éthiques et pratiques, ainsi que les leviers d’accompagnement respectueux, afin de redonner à ces chevaux la possibilité d’être entendus, considérés et soignés autrement.

Les définir

La réticence aux soins peut prendre des formes très diverses : fuite à la vue du licol, immobilité, tension musculaire, regard figé, agitation, menace, ruade, morsure… Ces comportements, parfois subtils, parfois spectaculaires, ne relèvent pas d’un défaut de coopération, mais bien d’une tentative de communication. Ils nous rappellent que le soin, aussi bien intentionné soit-il, ne peut être vécu comme tel par le cheval que s’il s’inscrit dans un climat de confiance, de sécurité et de compréhension mutuelle.

On peut définir la réticence aux soins comme l’ensemble des comportements traduisant une opposition, une résistance ou une peur lors de l’approche ou de l’exécution d’un soin (pansage, curage, douche, soins médicaux, interventions du maréchal, dentiste, vétérinaire, Shiatsu, etc.). Elle n’est pas un trouble en soi, mais un symptôme, un signal. Elle peut être ponctuelle ou chronique, contextuelle ou généralisée, modérée ou violente.

Dans une approche éthologique et sensible du cheval, il est fondamental de s’interroger sur ce que ces comportements révèlent. Sont-ils liés à une douleur physique ? À un traumatisme ancien ? À une absence de préparation progressive aux manipulations humaines ? À une incompréhension du contexte ou du geste ? À une surcharge émotionnelle ? Ou encore à une mémoire sensorielle douloureuse ?

Plutôt que de chercher à supprimer ou à réprimer la manifestation de cette réticence, il est essentiel de chercher à comprendre ce qui l’a fait naître, et ce qu’elle exprime encore aujourd’hui. Car si un cheval oppose une résistance, c’est qu’il n’a pas pu faire autrement. Et si l’on parvient à l’écouter avec justesse, il devient possible de réinventer le soin : non comme un acte imposé, mais comme une rencontre en devenir.

Les comprendre

Face à un cheval qui manifeste une résistance, un refus ou une peur lors d’un soin, il est tentant de chercher une réponse rapide ou une méthode pour “corriger” le comportement. Pourtant, la réticence aux soins n’est jamais gratuite : elle est le reflet d’un vécu, d’un ressenti ou d’une limite qui mérite d’être entendue. Comprendre ses causes permet non seulement d’éviter de renforcer le mal-être du cheval, mais aussi de rétablir une relation de confiance et de coopération.

Nombre de chevaux réticents sont en réalité des chevaux douloureux. Une zone corporelle sensible, une pathologie chronique, une blessure ancienne, ou simplement une manipulation trop brusque peuvent déclencher des réactions d’évitement ou de défense. Le soin, dans ce cas, ravive une mémoire douloureuse ou accentue une gêne existante. Par exemple, un cheval qui ne supporte pas qu’on lui touche l’arrière-main peut souffrir de douleurs lombaires ou sacro-iliaques. Même après la disparition de la douleur, la mémoire corporelle peut persister. Le corps du cheval garde en lui les traces de ce qu’il a vécu, et il est fréquent qu’un cheval réagisse par anticipation, par peur de retrouver une sensation désagréable.

Beaucoup de chevaux ne sont pas suffisamment préparés aux manipulations humaines. On oublie parfois que la capacité à se laisser toucher, soigner, approcher dans toutes les zones du corps, n’est pas innée : elle s’apprend. Si cette phase d’apprentissage est absente ou mal conduite (trop rapide, incohérente, invasive), le cheval développe une méfiance, parfois généralisée, vis-à-vis des soins. Une douche mal vécue, une contention excessive chez le vétérinaire, ou un maréchal peu délicat peuvent laisser des traces durables si le cheval n’a pas été suffisamment préparé ou si sa sensibilité n’a pas été respectée.

Le passé du cheval, surtout lorsqu’il est inconnu ou trouble (comme c’est souvent le cas chez les chevaux de réforme ou de sauvetage), peut contenir des expériences traumatiques liées aux soins. Un débourrage brutal, des soins imposés sous contrainte, des blessures mal traitées, une contention forcée sont autant d’événements qui peuvent altérer profondément la relation du cheval à l’humain, au toucher, et à l’espace de soin. Ces mémoires traumatiques s’expriment souvent sous forme de réactions intenses, disproportionnées ou incohérentes en apparence. Elles nécessitent une approche patiente, progressive et bienveillante, dans le respect du rythme émotionnel du cheval.

Certains chevaux sont naturellement plus sensibles que d’autres. Leur système nerveux réagit de manière plus fine, plus vive, aux stimulations extérieures. Ils perçoivent avec acuité les odeurs, les sons, les pressions, les intentions. Un simple changement de ton de voix, une variation de température ou un geste trop rapide peuvent générer chez eux une réaction d’alerte. Cette hypersensibilité, loin d’être un défaut, est une caractéristique de leur être. Un cheval hypersensible peut mal vivre certaines pratiques de soins (bruit du spray, toucher froid ou imprécis, odeur de produit, atmosphère tendue...), sans que cela signifie pour autant une opposition volontaire. Il s’agit d’un excès de stimulation, parfois vécu comme une agression.

Le soin est une interaction relationnelle. La manière dont le soignant se présente, son énergie, sa posture, son intention, ont un impact profond sur la réceptivité du cheval. Un cheval qui ne fait pas confiance, ou qui n’est pas en sécurité, ne peut pas accueillir le soin. S’il se sent piégé, contraint, jugé, ou s’il anticipe une expérience négative, son corps va se refermer. Le lieu du soin joue également un rôle important. Certains chevaux angoissent à l’idée d’être enfermés, isolés, déplacés. Un changement de lieu, une odeur particulière, une lumière agressive peuvent suffire à déclencher un état d’hypervigilance ou d’opposition.

Les enjeux liés à leurs comportements

Accompagner un cheval réticent aux soins soulève inévitablement des questions éthiques. Peut-on parler de consentement chez le cheval ? Si l’on entend par là sa capacité à dire “oui” ou “non” à une situation, alors oui : le cheval communique constamment, par micro-signes, postures, comportements. Il montre son inconfort bien avant de mordre, ruer ou fuir. Encore faut-il avoir appris à lire ce langage et être prêt à y répondre. Respecter le consentement du cheval, ce n’est pas renoncer à tout soin lorsqu’il manifeste une gêne, mais c’est s’interroger : a-t-il compris ce qu’on lui propose ? Est-il en sécurité ? Ai-je établi une relation de confiance suffisante pour qu’il puisse accueillir ce soin ? Est-ce le bon moment ? La bonne méthode ? C’est aussi accepter de ralentir, de faire autrement, de parfois reporter ou adapter l’objectif. Ce choix demande du courage et de l’humilité, mais il fonde une relation basée non sur l’obéissance, mais sur la coopération véritable. En contexte de soin, on attend souvent du cheval qu’il se laisse faire, qu’il ne bouge pas, qu’il coopère. Mais cette attente ne prend pas en compte la possibilité - et la légitimité- d’une réponse émotionnelle. Or, comme chez l’humain, le soin peut réveiller des peurs, des douleurs, des mémoires anciennes. Lui permettre d’exprimer ces émotions (dans un cadre sécurisant, bien sûr) est déjà un acte de soin. Cela peut prendre la forme d’un soupir, d’un déplacement, d’un regard inquiet, d’un tremblement. Refuser ou réprimer ces signes revient à nier la sensibilité du cheval, et donc à créer une relation fondée sur la contrainte silencieuse. Accueillir l’émotion, sans la juger, avec calme et présence, ouvre au contraire la voie à une transformation plus profonde.

Lorsqu’un cheval manifeste une résistance ou une peur face aux soins, cela peut entraîner un retard, voire une impossibilité d’intervention : soins vétérinaires non réalisés, parage ou dentisterie repoussés, actes nécessaires écourtés ou bâclés. Ces empêchements, répétés dans le temps, peuvent favoriser l’apparition ou l’aggravation de pathologies : infections cutanées, troubles locomoteurs, douleurs chroniques non prises en charge, blessures auto-infligées par agitation ou défense.

À cela s’ajoute l’impact émotionnel. Un cheval qui vit les soins dans la contrainte, la peur ou l’incompréhension est exposé à un stress répétitif, parfois chronique. Cette activation prolongée du système nerveux sympathique peut altérer ses fonctions immunitaires, digestives, reproductives, mais aussi générer anxiété, hypervigilance, voire désapprentissage social. Il n’est pas rare que ces chevaux développent des comportements stéréotypés, de l’agressivité ou un repli sur eux-mêmes.

Chaque soin mal vécu creuse un peu plus la méfiance. À long terme, cela affecte le lien entre le cheval et les humains. Ce lien, déjà fragilisé par l’incompréhension ou les expériences négatives, devient source de tension, d’anticipation anxieuse, de défenses de plus en plus marquées. La coopération s’efface au profit de l’évitement ou de la confrontation.

La réticence du cheval pose aussi une question de sécurité. Un cheval qui bouge, tape, mord ou panique pendant les soins met en danger les personnes qui l’entourent : soignants, vétérinaires, maréchaux-ferrants, propriétaires. Les accidents peuvent être graves, surtout si l’environnement n’est pas adapté ou si les gestes techniques nécessitent de la précision.

Au-delà de la sécurité physique, c’est aussi la qualité du soin qui en pâtit. Un cheval tendu, en défense, contracte ses muscles, limite l’accès aux zones douloureuses, bouge au mauvais moment. Le praticien est alors contraint d’agir vite, parfois à contretemps, ou d’interrompre le soin.

Les accompagner autrement

Accompagner un cheval réticent aux soins demande une approche globale, patiente et profondément respectueuse de son vécu. Il ne s’agit pas seulement d’enseigner de nouveaux comportements ou de désensibiliser à certains gestes techniques. Il s’agit de restaurer une sécurité de fond, de retisser une confiance abîmée, de proposer un espace où le cheval peut redevenir acteur de ce qu’il vit. Dans cette perspective, le Shiatsu offre un cadre précieux : celui d’un soin non invasif, qui privilégie l’écoute du corps, la lenteur, la présence, et la co-construction de la relation.

Chaque cheval porte dans son corps l’empreinte de son histoire. Les tensions musculaires, les raideurs articulaires, les réactions vives à certains touchers peuvent être le reflet d’un passé douloureux, de soins imposés, de manipulations brusques ou répétées. Le Shiatsu, par son approche tactile douce et structurée, permet une reconnexion progressive au corps, sans contrainte ni brusquerie. Par le biais des pressions sur les méridiens, il invite le cheval à relâcher, à respirer, à sentir, et à se réapproprier ses sensations. Ce retour au corps, dans un cadre sécurisant, peut être une première étape vers l’apaisement et la réouverture à la relation.

Avant tout protocole technique, le Shiatsu repose sur une qualité de présence. Il demande au praticien d’entrer dans une posture d’écoute, d’ajustement permanent, de respect du rythme de l’animal. Ce n’est pas le cheval qui doit s’adapter au soin, mais le soin qui s’adapte au cheval. Ainsi, chaque séance devient un espace de dialogue : si le cheval s’éloigne, s’agite, se crispe, le praticien accueille cette expression comme une information, non comme un obstacle. Cette posture relationnelle, empreinte d’humilité et de douceur, peut progressivement transformer le rapport que le cheval entretient avec les soins en général.

Au-delà de la détente physique, le Shiatsu vise un rééquilibrage énergétique global. En agissant sur les méridiens et les zones réflexes, il soutient les grands systèmes physiologiques (digestif, respiratoire, locomoteur, immunitaire), mais aussi la sphère émotionnelle. 

Comprendre un cheval en difficulté, c’est d’abord s’engager à l’écouter vraiment. C’est reconnaître que sa réticence n’est pas un caprice, mais un langage : celui du corps, de la mémoire, et parfois de la survie. Derrière une posture figée, une fuite ou une agressivité, il y a souvent une histoire tissée de douleurs, d’incompréhensions ou de gestes mal vécus. Dans cette complexité, le soin ne peut plus être un acte imposé, mais devient un dialogue à recréer. Pour cela, il est essentiel de repenser notre approche : retrouver la lenteur, la présence, le respect du rythme de l’autre. C’est ici que le Shiatsu peut s’ouvrir comme une voie profondément adaptée. Non pas en tant que solution miracle, mais comme un accompagnement subtil, respectueux et progressif, qui remet le corps au centre, et la relation au cœur. Dans la partie suivante, nous verrons comment le Shiatsu équin, dans ses fondements comme dans sa pratique, peut répondre aux besoins particuliers de ces chevaux dits "difficiles". Comment, par le biais du toucher, de la respiration et de l’écoute, il devient possible de renouer un fil de confiance, d’apaiser les tensions, de restaurer un espace de sécurité partagé.

LE SHIATSU POUR ACCOMPAGNER LES CHEVAUX EN DIFFICULTÉ FACE AUX SOINS

À travers les pages précédentes, j’ai cherché à mieux comprendre les mécanismes de réticence aux soins chez le cheval, en croisant les dimensions physiques, émotionnelles, relationnelles et éducatives. Le Shiatsu, en tant que pratique corporelle douce, respectueuse et holistique, m’est apparu comme une réponse pertinente pour accompagner ces chevaux autrement, avec plus d’écoute et moins de contraintes. Afin d’explorer concrètement cette hypothèse, j’ai mis en place une étude de cas structurée autour de cinq chevaux présentant chacun une ou plusieurs difficultés spécifiques face à certains soins. Celle-ci s’est déroulée en trois temps. En amont, une phase de sélection m’a permis d’identifier les cinq chevaux concernés, tous rencontrant des troubles avérés dans leur relation aux soins. Une première prise de contact a permis de cerner le profil de chacun, d’échanger avec les propriétaires et de noter les comportements problématiques observés. Pendant l’étude, chaque cheval a reçu trois séances de Shiatsu chacune espacée d’environ trois semaines. Ces séances ont été adaptées à leur état émotionnel, à leur niveau de tolérance au contact, et à leur rythme individuel. Mon intention a été de proposer un accompagnement progressif, sans forcer, en privilégiant le dialogue corporel. En aval, chaque cheval a de nouveau été confronté, dans un cadre sécurisé, au soin qui lui posait initialement problème. Un questionnaire a été distribué aux propriétaires afin de recueillir leur ressenti, leurs observations sur l’évolution de leur cheval et d’évaluer de manière globale l’impact du Shiatsu dans cette démarche. À travers cette étude de cas, mon objectif n’est pas de généraliser des résultats, mais d’apporter des pistes de réflexion, des observations de terrain et une vision plus nuancée du potentiel du Shiatsu dans l’accompagnement des chevaux en difficulté face aux soins.

Les chevaux à l’étude

Afin d’explorer l’impact du Shiatsu sur des chevaux rencontrant des difficultés face aux soins, j’ai accompagné cinq chevaux aux profils variés, tant du point de vue de leur âge, de leur vécu que de leurs problématiques spécifiques. Chacun de ces chevaux a été choisi avec soin, sur la base de comportements récurrents de refus, de fuite ou de tension lors de certains soins pourtant routiniers. Leurs parcours respectifs permettent d’illustrer la diversité des réactions possibles face à la contrainte du soin, tout en témoignant de la singularité de chaque individu.

Apache est un poney hongre O.N.C. (type Appaloosa) âgé de 6 ans. Peu d’informations sont disponibles sur son passé, si ce n’est qu’il vivait en pré avec d’autres chevaux. Sa propriétaire actuelle l’a acquis avec l’objectif de le remettre au travail pour le revendre. Apache vit aujourd’hui en paddock avec abri, en compagnie d’un autre hongre, et bénéficie d’un accès au sainfoin à volonté. Il est régulièrement sollicité au sol, avec un travail à pied cinq fois par semaine. Bien qu’il ne présente pas d’antécédents médicaux connus, Apache manifeste une grande méfiance lors des soins de base tels que le pansage ou le parage. Tendu, sur le qui-vive, prêt à se soustraire à toute demande, il illustre un profil de cheval hypersensible, dont le rapport au toucher est marqué par une alerte permanente.

Picasso est un jeune poney hongre O.N.C., croisement d’Appaloosa et d’Espagnol, âgé de 4 ans. Son passé est flou : il provient d’un élevage en Espagne, et son histoire antérieure à son arrivée en France demeure inconnue. Ses propriétaires l’ont acheté avec pour objectif de le débourrer avant de le revendre. Picasso vit seul en paddock avec abri, ce qui peut avoir des répercussions sur son équilibre émotionnel, malgré une activité physique régulière (deux à trois longues balades par semaine). Il est nourri au foin à volonté. Sur le plan médical, il ne présente aucun souci majeur, hormis une molette au niveau du postérieur droit. Picasso manifeste de vives réactions face aux soins de maréchalerie. Il ne se tient pas seul, jette vivement les postérieurs, se colle au mur d’attache pour éviter toute sollicitation. Ces réactions semblent témoigner à la fois d’une crainte et d’une tentative de prise de contrôle face à une situation perçue comme invasive.

Raïka est une jument O.N.C. de 10 ans, qui a été débourrée chez la propriétaire d’Apache avant d’être rachetée par sa cavalière actuelle. Elle vit en troupeau, en paddock avec abri, aux côtés de six autres chevaux, dans un environnement stable et socialement riche. Elle est nourrie au foin deux tiers de l’année (10 à 15 kg distribués matin et soir) et bénéficie de l’herbe des prés sur le dernier tiers de l’année. Elle est très régulièrement sollicitée : randonnées de deux  heures minimum, maximum cinq jours par semaine. Elle présente deux éléments notables dans son historique : une blessure au postérieur gauche survenue à l’âge de 3 ans suite à une prise de longe ainsi qu’une toux chronique. Raïka exprime de grandes difficultés à accepter les soins de dentisterie : dès qu’un outil s’approche de sa bouche, elle secoue vivement la tête, se redresse et tente de fuir. Ces réactions traduisent un inconfort profond, possiblement lié à une mémoire corporelle douloureuse.

Volt est un hongre New Forest de 15 ans. Son passé est également peu documenté, mais il vit aujourd’hui dans les mêmes conditions que celles de Raïka puisqu’ils évoluent au sein du même troupeau. Il reçoit la même alimentation fractionnée (foin les deux tiers de l’année, herbe le dernier tiers) et sort très régulièrement en randonnée. Il ne présente pas d’antécédents médicaux particuliers. Cependant, Volt éprouve de grandes difficultés à accepter les soins vétérinaires, en particulier les injections. Il semble contenir son stress dans un premier temps, avant d’exprimer un besoin impérieux de fuite lorsque la situation devient insupportable. Ce type de profil montre combien certains chevaux peuvent masquer leur malaise avant de réagir de façon parfois vive et inattendue. 

Trobao est un hongre de 12 ans, originaire d’un élevage portugais. Comme pour plusieurs autres chevaux de cette étude, son passé reste obscur. Il vit aujourd’hui en troupeau aux côtés de Volt et Raïka : foin en distribution fractionnée, pâture au printemps-été, randonnées régulières, travail à pied ou longe une fois par semaine. Trobao ne présente pas d’antécédents médicaux connus, mais manifeste de fortes réticences à l’égard de nombreux soins, en particulier ceux impliquant un contact tactile direct. Il plaque les oreilles, tente de mordre, pousse de tout son corps ou cherche à s’échapper. Son comportement semble traduire une aversion marquée pour l’intrusion dans sa bulle corporelle, que ce soit par le biais d’un outil ou du contact manuel.

Leur suivi

Apache

Lors de la première séance, il se montre très craintif. Il refuse de se laisser licoler et cherche à fuir. Il a fallu le guider vers un paddock plus restreint pour réussir à l’attraper, sans exercer de pression inutile. Son plan vertical est décalé, indiquant une perturbation physique et/ou mentale, et son taux de vitalité est de 77 %, indiquant une santé globale satisfaisante. Le body scan met en évidence un sentiment d’angoisse, probablement lié à une incompréhension face aux attentes humaines. Il semble plus à l’aise avec son avant-main qu’avec son arrière-main et montre une nette préférence pour son côté gauche. L’observation visuelle révèle un corps globalement harmonieux et bien musclé, bien que des tensions soient visibles de chaque côté de la nuque, de l’encolure et du garrot. Ses poils, crins et peau sont sains, mais son regard trahit une peur profonde. Au toucher, Apache se montre extrêmement sensible et réactif. Il n’accepte pas le contact au niveau de la tête, des oreilles et de la nuque. Le Shiatsu est donc réalisé en éthérique dans ces zones. Les méridiens Vessie, Foie et Maître-cœur sont harmonisés. L’émotion perturbatrice prioritaire est un manque de confiance envers l’humain sur le méridien Rate-pancréas, générant un stress mesuré à 34 % avant libération. Lors du lissage final, une fleur de Bach n°20 (Mimulus) est utilisée comme soin complémentaire. Apache est resté sur ses gardes tout au long de cette première séance. Un jour de repos est recommandé, suivi d’une reprise progressive de l’activité.

Lors de la seconde séance, une évolution se dessine. Apache se montre moins craintif, davantage curieux et accepte de se laisser licoler dans son grand paddock. Son plan vertical reste décalé et son taux de vitalité est stable à 77 %. Le body scan révèle un état plus apaisé, bien que la méfiance demeure présente. Son port de tête est moins relevé, signe d’un relâchement corporel progressif. Le contact toucher est mieux toléré. Bien qu’il reste vigilant, Apache commence à apprivoiser ces nouvelles sensations. Les tensions musculaires sont encore palpables. Les méridiens travaillés sont Vessie, Rate-pancréas et Gros-intestin. L’émotion prioritaire concerne cette fois un excès d’inquiétude sur le méridien Estomac, générant un stress de 23 % avant libération. Une énergie de couleur orange est utilisée lors du lissage final. Apache accepte désormais le contact sur l’ensemble de son corps et manifeste de discrets signes de détente. Les recommandations post-séance restent les mêmes : un jour de repos puis reprise progressive de l’activité.

La dernière séance marque une nette amélioration. Apache vient à ma rencontre, se laisse licoler calmement et présente une attitude curieuse. Son plan vertical reste encore décalé et son taux de vitalité est toujours de 77 %.  Le body scan exprime un sentiment de calme et d’intérêt. Son regard n’est plus apeuré, il est désormais vivant, ouvert. Le contact toucher révèle des muscles toujours tendus au niveau de l’avant-main, mais un net relâchement dans l’arrière-main. Les méridiens Vessie, Rate-pancréas et Foie sont harmonisés. L’émotion dominante à libérer est un manque d’estime de soi sur le méridien Poumon, avec un stress évalué à 17 % avant la séance. La fleur de Bach n°36 (Wild Oat) est utilisée lors du lissage final. Apache apprécie visiblement cette séance. Il se détend davantage et les tensions de l’avant-main commencent à s’atténuer. Un jour de repos suivi d’une reprise progressive de l’activité est recommandé.

Picasso

Lors de la première séance, Picasso se montre sur la réserve. Il reste méfiant et se déplace pour éviter le contact. Son plan vertical est décalé, traduisant un déséquilibre physique et/ou mental et son taux de vitalité est mesuré à 70 %, indiquant un état de santé globalement satisfaisant. Le body scan révèle une agitation intérieure intense, proche de la colère. Picasso semble plus à l’aise avec son avant-main qu’avec son arrière-main et privilégie nettement son côté gauche. L’observation visuelle met en évidence une musculature bien développée mais déséquilibrée : l’avant-main est plus musclée que l’arrière-main, qui montre des tensions, notamment au niveau de la région lombaire. Son regard est fermé, presque dur. Au toucher, Picasso manifeste une certaine réticence. Il tente de se soustraire au contact par des déplacements réguliers, en particulier lors du travail sur l’arrière-main, dont les muscles sont très tendus. Les méridiens harmonisés sont Vessie, Poumon et Maître-cœur. L’émotion perturbatrice prioritaire concerne un excès d’obstination sur le méridien Foie, générant un stress de 34 %avant libération. Une fleur de Bach n°6 (Cherry Plum) est utilisée lors du lissage final pour accompagner la libération émotionnelle. Picasso reste agité tout au long de la séance, sauf lors du travail sur le méridien Poumon, qui déclenche une courte phase de détente. Un jour de repos est conseillé, suivi d’une reprise progressive de l’activité.

Lors de la seconde rencontre, Picasso présente une attitude différente : il se montre amical et joueur, engageant plus facilement le contact. Son plan vertical reste décalé et son taux de vitalité équivaut à 78 %. Le body scan révèle cette fois un sentiment de sérénité. Son regard s’est adouci et il semble davantage présent à lui-même. Au toucher, il se montre plus concerné, plus tolérant, même si la vigilance persiste. Les muscles de l’arrière-main sont moins contractés, preuve d’un relâchement progressif. Les méridiens travaillés sont Vessie, Poumon et Foie. L’émotion perturbatrice concerne un excès de rage envers l’humain, identifié sur le méridien Poumon, avec un stress de 31 % avant harmonisation. La fleur de Bach n°32 (Vine) est utilisée lors du lissage final. Picasso manifeste une belle relaxation durant cette séance, bien qu’il cherche encore à poser les postérieurs lorsqu’ils sont mobilisés. Un jour de repos est à nouveau recommandé avant la reprise du travail.

Sa dernière séance marque une stabilisation de son état général. Picasso est calme, confiant, et se laisse approcher sans difficulté. Son plan vertical reste légèrement décalé et son taux de vitalité atteint désormais 80 %. Le body scan confirme un état de sérénité intérieure. Son arrière-main semble plus développée et ses muscles sont nettement plus relâchés. L’observation visuelle montre une posture plus équilibrée et un regard désormais ouvert. Au toucher, il se montre totalement coopératif. Il accepte la mobilisation des postérieurs sans réaction d’évitement. Les méridiens harmonisés sont Rate-pancréas, Maître-cœur et Gros-intestin. Aucune émotion perturbatrice n’a été identifiée comme prioritaire lors de cette séance. Une énergie de couleur violette est utilisée pour accompagner le lissage final. Picasso reste détendu tout au long de la séance, manifestant une réelle disponibilité corporelle et mentale. Un jour de repos, suivi d’une reprise progressive de l’activité, est à nouveau préconisé.

Raïka

Lors de sa première séance, Raïka se montre attentive à mon arrivée. Son plan vertical est presque aligné et son taux de vitalité, évalué à 73 %, témoigne d’un état de santé globalement satisfaisant. Le body scan fait émerger une impression de calme, mais une forme de retenue. Elle semble plus à l’aise avec son avant-main qu’avec son arrière-main et montre une préférence marquée pour son côté gauche. L’observation visuelle révèle un corps globalement harmonieux, mais une musculature davantage développée à l’avant. Des tensions sont perceptibles de chaque côté de l’encolure, du garrot (avec une tension importante à droite), du dos et des lombaires. Les postérieurs sont plus difficiles à mobiliser que les antérieurs. Ses poils sont légèrement ternes. Son regard est doux et déterminé. Au toucher, Raïka manifeste une sensibilité au niveau de la commissure des lèvres, du poitrail et surtout des mamelles. Le travail est adapté en fonction de ses réactions. Les méridiens harmonisés sont Vessie, Rate-pancréas et Poumon. L’émotion prioritaire à libérer concerne un excès de déception sur le méridien Poumon, avec un stress de 31 % avant harmonisation. La fleur de Bach n°14 (Heather) est utilisée lors du lissage final. Raïka offre de nombreux signes de détente tout au long de la séance. Un jour de repos est recommandé, ainsi qu’une reprise progressive de l’activité. En cas de toux, un cataplasme d’argile avec quelques gouttes d’huile essentielle de Romarin à cinéole, ou un massage du poitrail à l’aide d’un mélange huileux contenant cette même huile essentielle, est conseillé.

Raïka accueille sa seconde séance avec la même attention posée que lors de la première. Son plan vertical reste presque aligné et son taux de vitalité progresse à 77 %. Le body scan révèle cette fois un cœur légèrement noué. Visuellement, les tensions au niveau du garrot se sont atténuées. Au toucher, elle tolère mieux le contact au niveau du poitrail, ce qui marque une évolution positive. Les méridiens harmonisés sont Vessie, Estomac et Maître-cœur. Aucune émotion prioritaire ne s’est manifestée, ce qui confirme un équilibre émotionnel en cours de restauration. Une énergie de couleur orange est sollicitée lors du passage sur le méridien Estomac. Comme lors de la première séance, Raïka se détend profondément, offrant des signes visibles de relâchement. Un jour de repos et une reprise douce de l’activité sont à nouveau recommandés.

Lors de sa dernière séance, Raïka se montre amicale et confiante, posée et curieuse. Le plan vertical reste quasiment aligné et son taux de vitalité se stabilise à 77 %. Le body scan laisse apparaître une légère oppression dans la poitrine. Visuellement, les tensions au niveau du garrot ont disparu. Au toucher, Raïka accepte le contact autour des mamelles, signe de la confiance qu’elle développe dans cette relation. Les méridiens harmonisés sont Vessie, Rate-pancréas et Poumon. Aucune émotion dominante n’a été identifiée cette fois-ci. La fleur de Bach n°1 (Agrimony) est choisie pour accompagner le lissage final. Un moment fort de cette séance est observé lors de la prise des ovaires en éthérique, où une détente absolue s’installe, ressentie également par sa propriétaire, révélant une profonde résonance énergétique. Comme précédemment, un jour de repos est préconisé, suivi d’une reprise douce.

Volt

Lors de sa première séance, Volt reste concentré sur son foin, sans manifester d’intérêt particulier. Son plan vertical est presque aligné et son taux de vitalité de 77 % reflète un état de santé globalement correct. Le body scan révèle une fatigue physique latente, une aisance plus marquée dans l’avant-main que dans l’arrière-main, ainsi qu’un meilleur équilibre sur son côté droit. Visuellement, Volt présente un corps harmonieux, mais une musculature plus développée à l’avant, avec des tensions localisées au niveau de la nuque, de l’encolure, du garrot et des lombaires. Son port de queue est dévié à gauche, et son poil, assez long et terne, semble indiquer une stagnation énergétique. Deux sarcoïdes situés au niveau du fourreau, sur le trajet du Vaisseau Conception, attirent également l’attention. Son regard, un peu terne, manque d’éclat. Au toucher, Volt refuse le contact au niveau des oreilles. Son arrière-main est froide, ce qui témoigne d’une circulation énergétique ralentie. Les méridiens harmonisés sont Vessie, Foie et Rate-pancréas. L’émotion prioritaire à libérer est un excès de tristesse sur le méridien Foie, avec un niveau de stress à 22 % avant harmonisation. La fleur de Bach n°12 (Gentian) est utilisée pour accompagner le lissage final. Volt reste assez indifférent pendant une grande partie de la séance, mais montre une détente manifeste lors du passage sur le méridien Rate-pancréas. Un jour de repos est recommandé, suivi d’une reprise progressive de l’activité.

Lors de sa seconde séance, Volt semble cette fois plus présent, bien que légèrement figé dans son expression. Son plan vertical demeure stable et son taux de vitalité reste à 77 %. Le body scan confirme une persistance de la fatigue physique. Visuellement, ses tensions à l’arrière-main se sont atténuées. Au toucher, la température de l’arrière-main est redevenue homogène avec le reste du corps, ce qui témoigne d’un meilleur équilibre énergétique. Les méridiens harmonisés sont Vessie, Foie et Maître-cœur. L’émotion prioritaire concerne un manque de lâcher-prise sur le méridien Estomac, avec un stress à 15 % avant libération. La fleur de Bach n°20 (Mimule) est utilisée lors du lissage final. La séance est marquée par une belle détente, notamment de profondes respirations lors du passage sur Maître-cœur, suggérant une libération émotionnelle en douceur. Repos et reprise progressive sont à nouveau préconisés.

Lors de sa dernière séance, Volt se présente plus détendu, avec une posture stable et sereine. Son plan vertical est aligné et son taux de vitalité a progressé à 79 %. Le body scan révèle une sensation de calme et de sérénité. Au toucher, Volt accepte désormais d’être touché aux niveau des oreilles et une sensation d’unité circule dans l’ensemble de son organisme. Les méridiens harmonisés sont Vessie, Rate-pancréas et Gros-intestin. Aucune émotion perturbatrice prioritaire n’a été identifiée. Une énergie de couleur violette est sollicitée lors des connexions finales. La séance est rythmée par une détente profonde, Volt réalise de grandes respirations, signe d’un lâcher-prise pleinement installé. Comme pour les précédentes séances, un jour de repos est conseillé, suivi d’un retour doux à l’activité.

Trobao 

Lors de sa première séance, Trobao manifeste une défense marquée : oreilles couchées, naseaux pincés, regard dur. Son plan vertical est décalé et son taux de vitalité est de 75 %, signe d’un état de santé globalement correct. Le body scan met en évidence une sensation de bouillonnement interne, une colère refoulée et tenace. À l’observation, Trobao manque légèrement d’état, avec des flancs creusés et une musculature dominante à l’avant, contrastant avec une arrière-main plus faible. Des tensions sont visibles dans les épaules et le dos. Deux vertèbres saillantes en regard des points Shu du Foie et de la Vésicule-biliaire sont constatées. Il refuse le contact physique, rendant le travail en éthérique indispensable. Les méridiens harmonisés sont Vessie, Maître-cœur et Rate-pancréas. L’émotion prioritaire à libérer est un manque d’humilité sur le méridien Poumon, avec un stress évalué à 46 % avant libération. Trobao réagit vivement au passage sur le point Shu du Foie, manifestant sa colère en fuyant, oreilles couchées, avant de se détendre progressivement lors du travail sur Maître-cœur, jusqu’à accepter le contact. Aucune énergie complémentaire n’a été sollicitée durant  cette séance. Un jour de repos est préconisé, suivi d’une reprise douce de l’activité.

L’abord de Trobao est moins agressif, mais sa méfiance reste palpable lors de sa seconde séance. Son plan vertical est toujours décalé tandis que son taux de vitalité a augmenté à 79 %. Le body scan révèle cette fois une sensation de peur et d’oppression. Son regard est toutefois plus lumineux, traduisant une ouverture naissante. Trobao n’accepte le toucher qu’au niveau de la tête ; le reste du soin s’effectue encore en éthérique. Les méridiens harmonisés sont Vessie, Rate-pancréas et Foie. L’émotion principale à libérer est un manque d’espoir sur le méridien Foie, avec un stress à 33 % avant libération. La fleur de Bach n°35 (White Chestnut) est utilisée lors du lissage final. Trobao baille à répétition lors de l’ouverture du point VG14 et montre un relâchement profond sur le passage du méridien Vessie. Comme pour les autres séances, un jour de repos est conseillé.

Lors de sa dernière séance, l’abord de Trobao est désormais relativement neutre, une grande évolution depuis la première rencontre. Son plan vertical reste décalé et son taux de vitalité est stable à 79 %. Le body scan dégage une sensation de calme intérieur, signe d’un équilibrage émotionnel progressif. Visuellement, Trobao a repris de l’état, avec des flancs moins creusés, indiquant une meilleure assimilation et un mieux-être global. Pour la première fois, il accepte le toucher sur l’ensemble du corps, rendant le travail en contact direct possible. Les méridiens harmonisés sont Vessie, Maître-cœur et Gros-intestin. L’émotion prioritaire est un manque d’estime de soi sur le méridien Rate-pancréas, avec un stress à 24 %. La fleur de Bach n°6 (Cherry Plum) lors du lissage final. La séance est fluide et calme, ponctuée d’un beau relâchement général et les étirements ont pu être réalisés avec sa pleine participation. Comme toujours, un jour de repos est conseillé avant la reprise.

Les résultats de leur suivi 

Apache

Apache, jeune poney extrêmement méfiant à l’égard de l’homme, présentait une forte réticence aux soins de base tels que le pansage ou le parage. Dès la première séance de Shiatsu, son comportement montrait un haut niveau de vigilance, de tension corporelle et un refus clair du contact physique, particulièrement au niveau de la tête et de la  nuque. Le Shiatsu a été réalisé en grande partie en éthérique. Dès la deuxième séance, Apache se montrait moins craintif, plus curieux, et acceptait d’être approché dans son paddock sans recourir à une stratégie de confinement. Il commençait à apprivoiser le toucher, manifestant de discrets signes de détente, bien que sa méfiance restait présente. Lors de la troisième séance, son comportement avait changé de manière remarquable : il venait au contact, se laissait licoler calmement, et profitait pleinement de la séance, avec un regard plus ouvert et une attitude détendue.

Cette évolution a été confirmée par sa propriétaire :

  • Appréhension avant le soin : d’un niveau maximal avant le suivi (impossible à l’approcher), Apache passe à une appréciation du soin, notamment du pansage.

  • Coopération : elle était nulle avant, elle devient manifeste après les trois séances.

  • Détente physique et mentale : des progrès nets sont signalés. Apache apprend que le contact peut être agréable, il se relâche physiquement (notamment au niveau de l’encolure) et mentalement (il baisse sa garde progressivement).

  • Défenses : si la fuite était systématique au départ, elle devient occasionnelle, puis disparaît.

  • Soulagement post-séance : des signes évidents de relâchement sont apparus dès la première séance (bâillements, relâchement  et ont persisté au fil du temps.

Le suivi Shiatsu d’Apache a permis une évolution tangible, tant sur le plan émotionnel que corporel. En quelques séances, ce poney autrefois difficile à approcher a pu expérimenter le contact comme une source de confort, plutôt que de menace. La régulation de ses tensions, la libération de blocages émotionnels (manque de confiance, inquiétude, estime de soi) et la prise en compte de son rythme ont constitué les leviers principaux de cette transformation. Le témoignage de sa propriétaire confirme l’intérêt du Shiatsu comme outil complémentaire dans la prise en charge de chevaux sensibles ou récalcitrants aux soins.

Picasso 

Picasso, jeune poney au tempérament énergique, présentait au début du suivi une sensibilité marquée au niveau de son arrière-main, une certaine raideur émotionnelle et une difficulté à tolérer le contact physique, notamment lors des soins de maréchalerie. Sa posture traduisait un déséquilibre corporel et une agitation intérieure, avec un corps segmenté, un regard fermé, et une propension à l’évitement. Au fil des trois séances de Shiatsu, une transformation progressive et profonde s’est opérée, à la fois dans son corps et dans son attitude. Dès la deuxième séance, un changement de posture était perceptible : Picasso devenait plus présent, plus ancré, son regard s’ouvrait, sa relation à l’humain s’adoucissait. Il semblait commencer à intégrer que le toucher pouvait être porteur de confort et non de contrainte. La détente physique gagnait du terrain, notamment au niveau de l’arrière-main, qui jusque-là restait verrouillée. La troisième séance a confirmé la continuité de son évolution.Picasso se présentait alors comme un cheval calme, confiant, en lien. L’approche était sereine, les mobilisations étaient acceptées, et le corps retrouvait une plus grande fluidité d’ensemble. 

Ces observations réalisées lors des séances trouvent une résonance directe dans les retours de sa propriétaire, recueillis par le questionnaire final :

  • Appréhension avant le soin : d’un niveau élevé avant le suivi (agitation, refus de tenir en place), elle diminue nettement après les trois séances. Picasso se montre plus calme et aborde le soin avec plus de sérénité.

  • Coopération : initialement quasi inexistante, avec des gestes de défense marqués (jets de postérieurs, appui contre le mur), elle s’améliore significativement. Le cheval accepte désormais d’être manipulé avec une attitude plus posée.

  • Détente physique et mentale : les progrès sont nets. Picasso relâche progressivement son corps, notamment son arrière-main, et montre un regard plus ouvert, traduisant un apaisement émotionnel.

  • Défenses : les comportements de fuite ou de défense active, fréquents au départ, diminuent puis disparaissent. Il ne se braque plus contre le soin et reste davantage à l’écoute.

  • Soulagement post-séance : la détente est perceptible dès les premières séances (bâillements, relâchement global), et se renforce avec le temps, contribuant à une meilleure relation au soin et à l’humain.

Le suivi de Picasso met en évidence une belle progression, à la fois corporelle, relationnelle et émotionnelle. Du cheval méfiant et tendu du départ, souvent sur la défensive dans son arrière-main, a émergé un partenaire plus serein, qui accepte le soin et le contact dans une forme nouvelle de disponibilité. L’approche en Shiatsu a permis non seulement de libérer des tensions musculaires et émotionnelles (colère, rage, manque de confiance), mais aussi de restaurer une forme d’unité dans le corps et dans le lien. La continuité des séances, alliée à l’écoute subtile du cheval et à l’ajustement du toucher, a constitué le socle de cette évolution.

Raïka 

Raïka, jument de 10 ans, évolue en troupeau et bénéficie d’un mode de vie équilibré. Elle présentait néanmoins une sensibilité marquée au soin dentaire, devenue problématique au fil du temps. Initialement coopérative, elle a progressivement développé des défenses fortes. Ce comportement est apparu comme une forme d’usure psychique, traduisant un seuil de tolérance dépassé vis-à-vis de ce soin spécifique. Au fil des trois séances de Shiatsu, une évolution subtile mais réelle a été observée. Dès la première séance, Raïka se montre attentive et posée. Bien qu’elle refuse encore certains contacts physiques, de nombreux signes de détente apparaissent. Son regard est doux, sa posture est plutôt équilibrée et une première ouverture au toucher s’installe. Lors de la seconde séance, les tensions du garrot sont moins présentes, le contact au poitrail est mieux toléré, et le cœur semble moins noué. Raïka entre avec régularité dans la détente, et accepte progressivement des zones auparavant sensibles. La troisième séance confirme cette dynamique : son abord est amical, confiant, et les tensions au niveau des mamelles s’apaisent enfin. Le relâchement est tel qu’il se manifeste jusque dans l’énergie du lien, partagé avec sa propriétaire. La jument se laisse aller, accepte le toucher dans des zones plus intimes, et laisse entrevoir une sécurité retrouvée dans le soin.

Du côté de sa propriétaire, les retours du questionnaire final confirment en partie ces observations, tout en les nuançant : 

  • Appréhension avant le soin : initialement modérée, l’appréhension de Raïka reste stable après les trois séances, bien qu’une certaine tension persiste lors du soin dentaire, qui est identifié comme particulièrement sensible pour elle.

  • Coopération : si elle se montrait coopérative au départ, une évolution contrastée est observée. La jument reste globalement volontaire, mais manifeste par moments une gêne croissante, notamment à travers des mouvements d’évitement.

  • Détente physique et mentale : la détente mentale progresse légèrement, mais la détente physique reste limitée pendant les soins problématiques. En revanche, durant les séances de Shiatsu, Raïka semble prendre du plaisir et se relâche.

  • Défenses : des défenses étaient présentes avant le suivi (secoue la tête, se lève, ne tient pas en place). Après les séances, elles diminuent sans disparaître totalement.

  • Soulagement post-séance : difficile à évaluer selon la propriétaire, bien qu’elle souligne que la jument “prend du plaisir lors du soin”, ce qui traduit un effet positif du Shiatsu sur son état émotionnel, même si les soins dentaires restent conflictuels.

Le suivi de Raïka révèle une progression corporelle et relationnelle encourageante. Son corps se relâche, son regard s’ouvre, et sa capacité à accueillir le contact se développe. Si les effets ne sont pas encore visibles dans le cadre spécifique du soin dentaire, ils s’expriment néanmoins dans la qualité de présence et le confort retrouvé dans le moment du soin Shiatsu. Ce suivi met en lumière l’importance de la patience, de la régularité et du respect du rythme du cheval dans les soins d’accompagnement. 

Volt

Volt se montrait initialement plutôt indifférent au contact, avec un corps exprimant une certaine fatigue et des déséquilibres énergétiques marqués, notamment au niveau de l’arrière-main. Bien que tolérant les soins, il restait sur la réserve, difficile à “lire” dans ses réactions et peu expressif émotionnellement. Au fil des trois séances de Shiatsu, une évolution discrète mais significative s’est dessinée. Le cheval s’est progressivement ouvert au toucher, relâchant peu à peu les tensions musculaires. Le contact physique devenait plus agréable, l’arrière-main retrouvait sa chaleur,  et la respiration se faisait plus ample. En fin de suivi, Volt se montrait plus détendu, plus présent, acceptant le contact jusque dans des zones initialement sensibles, comme les oreilles.

Ces observations rejoignent les propos de sa propriétaire dans le questionnaire final :

  • Appréhension avant le soin : Volt montrait une appréhension modérée avant les soins, notamment les injections et les interventions vétérinaires. Cette appréhension reste stable après le suivi, mais il accepte désormais davantage la proximité et le toucher dans un contexte apaisé.

  • Coopération : déjà correcte au départ (Volt se laissait faire malgré sa nervosité), elle se consolide avec les séances. Il devient plus détendu et participatif pendant les soins Shiatsu, selon sa propriétaire.

  • Détente physique et mentale : des signes nets d’évolution sont observés pendant les séances. Volt, cheval au tempérament réservé, semble apprendre progressivement à lâcher prise. Il se relâche de plus en plus au fil des séances, ce qui constitue un progrès significatif pour un cheval décrit comme ayant des difficultés à se détendre.

  • Défenses : peu marquées dès le départ, elles restent modérées après le suivi. Volt ne présente pas de comportements violents, mais son attitude de retrait et de contrôle s’estompe progressivement.

  • Soulagement post-séance : la propriétaire remarque que Volt « joue beaucoup plus, semble plus heureux », ce qui témoigne d’un bien-être accru et d’un apaisement global. La détente énergétique apportée par le Shiatsu semble s’être prolongée au-delà des séances elles-mêmes.


Le suivi Shiatsu de Volt a permis une transformation intérieure subtile mais bien réelle. En l’espace de trois séances, il s’est autorisé à lâcher-prise, à se détendre et à renouer avec une forme de vitalité plus expressive. Pour ce cheval discret, souvent dans le contrôle, le Shiatsu a ouvert un espace de relâchement et de mieux-être, perceptible autant dans son corps que dans son comportement quotidien.

Trobao 

Trobao, hongre au tempérament fort, montrait en début de suivi une méfiance marquée, un refus du contact et une posture corporelle tendue. Sa relation à l’humain était teintée de colère, traduite par des signes de défense clairs et un refus de se laisser toucher. Le Shiatsu a été réalisé en grande partie en éthérique lors de la première séance. Au fil des trois séances, une évolution nette s’est dessinée. Dès la deuxième, bien que la méfiance demeure, le regard s’ouvre, les premiers signes de relâchement apparaissent, et le contact est toléré au niveau de la tête. La troisième séance marque un tournant : Trobao accepte le toucher sur tout le corps, se détend, et son il retrouve de l’unité. Les tensions visibles sur les épaules et le dos s’atténuent, et la posture devient plus stable.

Les observations de sa propriétaire confirment ce changement :

  • Appréhension avant le soin : très élevée au départ. Trobao était sur la défensive, refusait le contact, et manifestait une agressivité latente à l’approche du soigneur. Après le suivi, l’appréhension a nettement diminué, bien qu’une vigilance reste présente. Il tolère désormais le soin avec plus de neutralité.

  • Coopération : quasiment inexistante en début de suivi. Trobao ne se laissait pas manipuler et s’opposait aux soins. Après les trois séances, une amélioration sensible est observée : il se montre plus disponible et moins réactif dans la relation.

  • Détente physique et mentale : des signes de relâchement progressif sont visibles au fil des séances (bâillements, respiration plus ample, relâchement musculaire). Son regard s’adoucit, son corps se décrispe, et un calme intérieur semble émerger.

  • Défenses : très présentes au départ, sous forme d’agressivité (couché d’oreilles, fuite, crispation). Elles diminuent nettement au fil des séances, jusqu’à disparaître lors de la dernière, où le cheval accepte le toucher sur l’ensemble du corps.

  • Soulagement post-séance : la propriétaire mentionne un mieux-être global, une relation plus fluide, et un cheval “plus apaisé dans sa tête”. Elle note une réduction des comportements de rejet et un début de transformation dans sa posture émotionnelle.

Le suivi de Trobao illustre la capacité du Shiatsu à créer un espace de confiance et de régulation chez un cheval initialement fermé au contact. La progression observée sur le plan corporel et émotionnel témoigne d’un retour à une forme d’équilibre, permis par l’écoute, la patience et le respect du rythme du cheval. La confirmation de sa propriétaire vient appuyer l’idée que même les chevaux les plus réticents peuvent évoluer vers une relation plus douce et ouverte à l’humain.

Vers une intégration du Shiatsu dans le soin équin

Les résultats obtenus au cours de ce mémoire mettent en lumière l’intérêt du Shiatsu comme approche complémentaire dans la prise en charge des chevaux présentant une réticence aux soins. Les observations réalisées sur le terrain, enrichies par les retours des propriétaires, soulignent des évolutions concrètes, tant sur le plan émotionnel que corporel. Ces résultats, bien que modestes au regard du faible échantillon étudié, ouvrent néanmoins plusieurs pistes de réflexion et d'action pour l'avenir.

Les cas présentés montrent que le Shiatsu peut contribuer à créer ou restaurer un climat de confiance entre le cheval et l’humain. Dans cette optique, il serait tout à fait envisageable d’intégrer cette pratique dans les routines de soin, en particulier pour les chevaux sensibles, convalescents, ou sujets à des tensions chroniques. Un toucher lent, précis et respectueux, tel que celui proposé par le Shiatsu, peut devenir un véritable médiateur relationnel, facilitant les manipulations, le pansage, les soins vétérinaires ou encore les soins de maréchalerie. Il s’inscrit alors dans une approche préventive et relationnelle du bien-être équin.

Le Shiatsu s’est montré particulièrement intéressant dans les cas où la réactivité du cheval est liée à un passif émotionnel, à un traumatisme, ou à une perturbation énergétique profonde. Il pourrait ainsi devenir un allié de choix dans les protocoles de gestion comportementale mis en place par les vétérinaires, les éthologues ou les éducateurs équins. En accompagnant le cheval dans une libération progressive de ses tensions, tant physiques qu’émotionnelles, le Shiatsu permettrait d’inscrire les apprentissages dans une dynamique de détente et de mieux-être, et non dans un schéma de contrainte ou de résignation.

Pour que cette approche soit pleinement reconnue et intégrée, il semble pertinent d’envisager une sensibilisation, voire une formation spécifique, à destination des professionnels en contact direct avec les chevaux : soigneurs, palefreniers, vétérinaires, maréchaux-ferrants ou ostéopathes. Une connaissance de base des principes énergétiques du Shiatsu, de ses effets, de ses précautions et de son éthique pourrait grandement enrichir leur pratique. Cela favoriserait aussi une meilleure coopération interdisciplinaire, où le Shiatsu viendrait compléter les approches déjà en place, dans le respect du cheval et de ses besoins.

Enfin, les résultats de ce mémoire invitent à poursuivre les recherches sur le sujet. Si les effets du Shiatsu sont largement documentés en médecine humaine au Japon, ils restent encore peu étudiés dans le domaine équin. Des études plus larges, impliquant des échantillons plus importants et des protocoles reproductibles, permettraient de mieux objectiver les effets du Shiatsu sur la régulation émotionnelle, la récupération physique, ou la qualité de la relation homme-cheval. Une telle démarche scientifique contribuerait à faire évoluer la reconnaissance du Shiatsu dans le monde vétérinaire et à légitimer son utilisation dans les parcours de soin.

En résumé, ce travail met en évidence le potentiel du Shiatsu comme outil de soutien à la relation, à la santé et au bien-être du cheval. Les perspectives qu’il ouvre sont nombreuses, et appellent à une meilleure intégration de cette pratique dans les milieux équins, à une coopération accrue entre professionnels et à une curiosité scientifique renouvelée autour de la dimension énergétique du soin.


CONCLUSION

Ce mémoire est né d’un questionnement personnel profond : comment accompagner, avec justesse et respect, les chevaux qui expriment des difficultés face aux soins ? Comment entrer en relation avec ces êtres sensibles, parfois méfiants ou marqués par leur histoire, sans contraindre leur corps ni forcer leur confiance ? C’est à travers le Shiatsu, cette pratique issue d’une tradition millénaire, que s’est peu à peu dessinée une réponse, à la fois douce, subtile et profondément transformatrice.

La première partie de ce travail a permis de poser les fondements d’une compréhension globale du cheval, dans son évolution, ses besoins fondamentaux, ses modes d’apprentissage et sa relation à l’humain.

Cette base était indispensable pour aborder ensuite l’essence du Shiatsu, ses origines, ses principes énergétiques, et sa transposition dans le soin équin.

L’étude de cas menée auprès de cinq chevaux aux profils variés - Apache, Picasso, Raïka, Volt et Trobao - a mis en lumière les effets du Shiatsu sur la relation homme-cheval, sur la détente physique et émotionnelle, et sur la réceptivité aux soins. Bien que chaque individu ait répondu à sa manière, tous ont montré, séance après séance, une évolution tangible : réduction des tensions, apaisement du regard, assouplissement corporel, meilleure tolérance au toucher et plus grande coopération dans les interactions humaines. Les retours des propriétaires sont venus confirmer ces ressentis : amélioration de la qualité de la relation, diminution des défenses et des appréhensions, accès facilité aux soins de base. Ces observations récurrentes invitent à considérer le Shiatsu comme un outil complémentaire précieux, à la fois pour restaurer la confiance, soutenir le corps et accompagner les chevaux dans leur globalité.

Si ce mémoire ne prétend pas offrir de vérité absolue, il témoigne cependant d’une réalité vécue : celle d’un changement, souvent subtil mais profondément significatif, qui s’opère lorsque l’on choisit d’écouter le cheval autrement. Le Shiatsu, par sa lenteur, sa précision, son respect du vivant, ouvre un espace où l’animal peut à nouveau se sentir entendu, reconnu, accueilli tel qu’il est.

Il reste encore beaucoup à explorer : les perspectives de recherche, de formation, d’intégration du Shiatsu dans les protocoles de soin sont nombreuses. Mais ce travail aura permis, à sa mesure, de poser une pierre sur le chemin de la reconnaissance de cette pratique dans le monde équin.

En guise de clôture, c’est peut-être au cheval lui-même que revient le dernier mot : à travers les signaux subtils de son corps qui s’ouvre, de sa respiration qui s’apaise, de sa présence qui s’ancre. Car c’est bien lui, toujours, qui nous enseigne, pour peu que l’on prenne le temps de l’écouter.

NOTE PERSONNELLE

Écrire ce mémoire a été bien plus qu’un exercice de fin d’étude : cela a été une traversée. Une traversée à la rencontre du cheval, bien sûr - dans toute sa complexité, sa subtilité, sa dignité - mais aussi à la rencontre de moi-même.

Ce travail m’a permis de poser des mots sur une intuition ancienne : celle qu’un autre rapport au soin est possible, un rapport où l’écoute précède l’action, où la lenteur devient un langage et où le respect de l’autre passe par la reconnaissance de son intégrité, de son rythme, de son vécu.

Le Shiatsu, je l’ai découvert comme une porte d’entrée vers une relation plus juste, plus profonde, plus silencieuse aussi. Il m’a appris à ralentir, à affiner mon regard, à sentir au lieu de faire. Il m’a offert des outils, bien sûr, mais surtout une posture intérieure : celle de la disponibilité, de l’attention fine, du non-jugement.

Au fil de ce chemin, j’ai appris à mieux lire les signes, à entendre les messages du corps, à accueillir ce qui émerge sans chercher à le maîtriser. J’ai aussi compris que l’accompagnement ne se mesure pas à l’efficacité immédiate, mais à la qualité de présence que l’on offre, à la confiance que l’on construit, pas à pas, séance après séance.

Rédiger ce mémoire m’a permis de revisiter ces apprentissages, de les approfondir, de les relier à des expériences concrètes et vécues. Cela m’a également donné la force de croire encore davantage en la pertinence de ce que je porte : une manière douce et consciente d’entrer en lien avec l’animal, avec l’autre, avec le vivant.

Ce que le Shiatsu m’a apporté, je le sens désormais inscrit en moi, au-delà de la pratique elle-même : c’est une manière d’être, un chemin de transformation, une invitation à la présence pleine et à l’écoute profonde. Je quitte ce travail avec de nouvelles compétences, certes, mais aussi avec un regard changé.

Et pour cela, je me sens profondément reconnaissante.

BIBLIOGRAPHIE, SITOGRAPHIE 

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Comprendre la Médecine Traditionnelle Chinoise